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absolument aux scovmoses. En revanche, le chêne a disparu presque entièrement de ce pays. Quant au pin, les plus vieilles légendes elles-mêmes n’en disent rien. Tous les arbres de cette espèce qui existent de nos jours sont d’introduction artificielle et récente. Bien probablement la main de l’homme n’a été pour rien dans la succession de ces essences forestières. Des populations clair-semées et à demi sauvages pouvaient détruire des forêts, elles n’auraient su les replanter. Nous avons donc là un exemple de ces changemens spontanés de flore, de ces invasions de plantes, que les botanistes ont tant de fois constatés. Ainsi le règne végétal permettrait d’établir dans le passé du Danemark des divisions chronologiques analogues à celles que le règne animal a fournies pour la France. A la suite de ses belles recherches sur la succession des faunes contemporaines de l’homme, M. Lartet a divisé les temps préhistoriques de notre pays en quatre époques : celle de l’ours des cavernes, celle du mammouth et du rhinocéros, celle du renne et celle de l’urus. En Danemark, on pourrait distinguer les âges du pin, du chêne et du hêtre, les deux premiers entièrement écoulés, le troisième encore dans son plein.

Toutefois c’est à l’industrie humaine que les savans scandinaves ont emprunté leurs dénominations chronologiques, et il est aisé de comprendre qu’ils aient agi ainsi. L’archéologie, point de départ de leurs recherches, était restée le but de leurs études. Ils ne demandaient aux sciences naturelles que de les aider dans des travaux qui conservaient d’ailleurs leur caractère primitif. Évidemment ils ne pouvaient guère aller chercher dans un ordre d’idées et de faits accessoires les divisions fondamentales de ce qui pour eux était l’essentiel. Au contraire, en étudiant les outils, les armes laissées par leurs ancêtres, ils ont vu les anciens ouvriers employer successivement trois sortes de matériaux de plus en plus aptes à répondre à tous les besoins de l’homme; ils ont constaté que la civilisation se modifiait et grandissait proportionnellement. Ils ont été conduits de la sorte à reconnaître les âges de la pierre, du bronze et du fer. Ces dénominations et les idées qu’elles entraînent ont été d’abord reçues avec méfiance et repoussées par bien des savans. Elles sont acceptées aujourd’hui, et personne n’ignore la signification de ces mots. Eux aussi nous rejettent bien loin en arrière. L’âge du fer nous ramène à l’aube des temps de l’histoire, les deux autres appartiennent à la période préhistorique.

Les recherches faites en Danemark ont conduit à constater une certaine coïncidence, fortuite sans doute, mais qui n’en est pas moins curieuse, entre les périodes marquées par la végétation et celles que caractérise le développement progressif de l’industrie