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ou des armes en silex, en os, etc., ont été perdus et ensevelis au milieu de ces immondices. Recueillis aujourd’hui et placés dans nos musées, ils ont fourni un des chapitres les plus intéressans de cette histoire perdue au-delà des plus lointains souvenirs, et que les antiquaires scandinaves ont les premiers cherché à retrouver. C’est une de ces mines de documens située à Sœlager, à plusieurs lieues de Copenhague, que nous devions examiner et exploiter. Ici notre guide naturel était le célèbre naturaliste Steenstrup, dont quelques travaux sont déjà connus des lecteurs de la Revue[1], et qui, par ses investigations persévérantes, par ses ingénieuses expériences, a éclairci de la manière la plus inattendue quelques-uns des problèmes les plus complexes de l’archéologie préhistorique. M. Steenstrup accepta de grand cœur la tâche qui lui incombait, et partit à l’avance pour commencer la fouille et préparer nos propres recherches.

Deux jours après, nous allions rejoindre l’éminent pionnier. Un train spécial nous emportait de grand matin, et nous déposait à Rœskilde, antique capitale du Danemark, dont la magnifique cathédrale est devenue le Saint-Denis danois. La ville était déjà en mouvement, et la population entière nous attendait; toutes les maisons étaient pavoisé s; partout le danebrog déployait son large champ rouge et sa croix blanche, associés d’ordinaire aux couleurs de Suède et de Norvège; partout les têtes se découvraient sur notre passage, partout éclataient les hourras. Ceux-ci redoublèrent quand nous arrivâmes sur la jetée, quand nous montâmes à bord du bateau à vapeur, tout enguirlandé de feuillage et largement pavoisé, qu’une compagnie locale avait mis à la disposition du congrès. Nous répondîmes de notre mieux, et bientôt notre pacifique expédition fila rapidement à la surface de ce beau fiord d’où sortirent tant de fois les flottes dévastatrices des rois de la mer. Par les soins du capitaine Wilde, que nous devions plus tard rencontrer dans toutes les circonstances où il pouvait nous être utile, de longues tables avaient été dressées sur le pont, et nos appétits, stimulés par l’air marin, firent bravement honneur au substantiel déjeuner qu’elles portaient.

Le temps passe vite quand on satisfait à la fois le corps, l’intelligence et le cœur. Nul de nous certainement n’aurait pu dire combien d’heures s’écoulèrent à remonter le fiord, — tantôt admirant les rivages le long desquels nous glissions, contemplant quelque village, quelque petite ville d’où nous arrivaient de lointains hourras, signalant de hauts tumuli, sépultures des vieux vikings, nous

  1. Voyez la livraison du 1er juillet 1856.