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de la guerre, d’envoyer les cadets badois faire leur noviciat dans les écoles militaires d’outre-Mein. En attendant qu’on pût s’unir politiquement à la Prusse, on aspirait à se rapprocher d’elle, à lui ressembler, à diminuer dans la mesure du possible la différence qu’il peut y avoir entre un Prussien et un Badois. Le malheur est que les libéraux n’entendaient pas se donner sans conditions, et, quoi qu’ils en disent, ils sont Allemands du sud, comme leurs voisins de Stuttgart et de Munich. Ils acceptaient le programme de la cour dans la question allemande, ils votaient la réforme militaire, les graves charges qu’elle allait faire peser sur le pays. En retour, il fallut leur accorder bien des choses dont on se souciait peu. On promettait, on ne se pressait pas de s’acquitter ; mais ils revenaient à la charge, et il fallait finir par céder. Ils ont demandé et obtenu l’extension des prérogatives parlementaires, le droit d’initiative substitué au simple droit de motion, une loi sur la presse, une loi sur la responsabilité ministérielle, un commencement de réforme électorale. Étrange effet d’une alliance contre nature ! Un cabinet qui aurait voulu faire du grand-duché une annexe politique de la Prusse s’est vu contraint, dans la question capitale, celle du modus vivendi de l’état et de l’église, de faire tout le contraire de ce qui se fait en Prusse. A Berlin, l’état s’unit étroitement à l’église, la protège et lui assure une part considérable d’influence dans le gouvernement des esprits et de la société, estimant que l’église est une grande école de respect et d’obéissance, et que le dogme est le vrai fondement du principe d’autorité. C’est un système tout opposé que les libéraux badois ont fait triompher dans le grand-duché. Ils professent le principe de la séparation absolue des deux puissances. Ils entendent renfermer l’église dans le cercle des affaires ecclésiastiques et lui interdire toute immixtion dans les affaires civiles ; leur mot d’ordre est l’état moderne, neutre en religion ou laïque, formule qui épouvante Berlin. La sécularisation de l’état civil, le mariage civil obligatoire, l’école entièrement soustraite au contrôle de l’église, les institutions de bienfaisance distinguées rigoureusement des établissemens religieux et remises aux mains des communes ou de l’état, voilà les réformes qu’ils ont obtenues, et c’est ainsi qu’une cour prussienne de cœur a inauguré une politique qui prend en toutes choses le contre-pied de la Prusse.

Cette alliance n’a pas seulement l’inconvénient d’être onéreuse, elle est précaire. Bien des orages l’ont troublée et la troubleront encore. Au commencement de l’année 1868, le gouvernement badois présenta aux chambres une série de projets de loi qui avaient pour objet d’introduire dans le grand-duché la législation militaire prussienne, code pénal, procédure, loi sur les tribunaux d’honneur des officiers. La commission parlementaire chargée d’examiner ces