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fondes dans le passé du pays depuis le XVIe siècle. Il avait chassé deux souverains, Joseph II et Guillaume, coupables d’avoir résisté à l’église. Il avait réclamé avec acharnement contre le monopole de l’enseignement. Admettant le principe de l’obéissance passive aux ordres d’un chef infaillible, il était discipliné comme une armée. Il avait une autre force encore : il possédait tout un système de doctrines complètement arrêtées et bien liées, qu’il voulait inculquer aux jeunes générations. Pour cela, il lui fallait un établissement d’enseignement supérieur, une université. Ce furent les évêques qui entreprirent de la fonder. Le « décret » qui érige l’université catholique est un document qui mérite de fixer l’attention; il commence comme une loi émanant du pouvoir souverain : « à tous et à chacun de ceux qui verront, liront ou entendront ces présentes lettres, salut éternel dans le Seigneur. » Ce n’est pas sans raison que les évêques belges se servent de ces royales formules. Ils agissaient en vertu d’un bref donné à Rome le 13 décembre 1833 par le pape Grégoire XVI. C’était en réalité la cour romaine qui fondait une université sur le sol belge pour y propager les principes qu’elle déclare seuls conformes à l’éternelle vérité. Ce fait sans précédens n’eût sans doute pas été toléré par les souverains de l’ancien régime, qui, même quand ils étaient très dévoués à l’église, persistaient néanmoins à faire respecter leur souveraineté dans l’ordre temporel; mais il n’en est pas moins certain que la fondation d’une université catholique par un bref papal est un acte parfaitement conforme à la liberté de l’enseignement telle qu’on l’entend aujourd’hui.

Les précautions les plus rigoureuses étaient prises pour que le nouvel établissement ne s’écartât jamais de la plus stricte orthodoxie. C’est l’épiscopat belge qui dirige et surveille l’université par un recteur qu’il nomme et révoque. Ce recteur est installé « après qu’il aura fait profession de foi entre les mains de l’archevêque, et qu’il aura promis obéissance et fidélité au corps épiscopal de Belgique. » La nomination des professeurs est faite par le recteur et sanctionnée par les évêques ; « ils sont aussi tenus de faire profession de foi conformément à la formule arrêtée par le pape Pie IV. » « Nous enjoignons aux professeurs, dit encore le décret, de tenir et de professer de cœur et d’action la foi catholique, afin qu’étrangers aux nouveautés profanes qui souillent l’intégrité de la foi, ils cherchent la science qui édifie avec charité. »

Le but et l’esprit de la nouvelle université étaient également déterminés avec une grande précision. « Voulant donner une forme fixe à cette grande institution et en assurer pour toujours la stabilité, en vertu de l’autorité apostolique et de la nôtre, nous érigeons et établissons par les présentes lettres une université qui sera à perpétuité dirigée par nous avec un pouvoir suprême et une continuelle