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jection ; le recteur de l’université catholique de Louvain l’a formulée dans une pétition adressée en 1849 au sénat belge. « La liberté d’enseignement ne consiste pas dans le simple droit d’enseigner, elle consiste dans le droit d’enseigner avec efficacité. Sinon ce serait une lettre morte, une liberté purement spéculative. L’inégalité dans le bénéfice des études viole donc la liberté aussi bien que la contrainte sur le fait de l’enseignement. » Voilà ce que l’on dira, et ce ne seront point les catholiques seuls qui parleront ainsi; les partisans des idées nouvelles tiendront le même langage. Le monopole officiel sera battu en brèche de deux côtés à la fois, à droite et à gauche. Il est instructif de voir comment en Belgique l’état a été réduit sur ce point à capituler presque sans résistance.

Après la révolution de septembre 1830, le gouvernement provisoire maintint les trois universités; seulement à chacune d’elles, il supprima une ou deux facultés. Il ne proclama point la liberté des professions; nul alors ne songeait à cette réforme radicale. Il décida que tout Belge qui aspirait aux grades académiques serait admis à se présenter aux examens devant la faculté compétente, quels que fussent le pays et l’établissement où il avait fait ses études. C’est ainsi qu’on entendait alors la liberté d’enseignement. Le droit de délivrer les diplômes exclusivement réservé aux professeurs officiels ne semblait pas une restriction à la liberté ; bientôt cependant la difficulté allait naître d’une circonstance fortuite.

Près des universités mutilées, des facultés libres s’étaient établies pour compléter le cadre de l’enseignement supérieur. Le gouvernement donna une sorte d’existence légale à ces facultés en leur permettant de s’installer dans les bâtimens universitaires, et en désignant leurs professeurs pour faire partie des « commissions d’examen » instituées en 1831. C’était le germe des jurys d’examen et le point de départ d’une série de difficultés qui sont devenues plus inextricables à chaque tentative faite pour en sortir.

Les facultés libres donnèrent d’abord des résultats peu brillans, et le premier rapport officiel publié en 1843 par le ministre de l’intérieur le constate. « Pendant les quatre années que dura le régime des commissions d’examen, les études littéraires, philosophiques et scientifiques, préparatoires aux études du droit et de la médecine, furent partout presque complètement négligées; » mais bientôt la liberté de l’enseignement allait produire un fruit nouveau, très extraordinaire et appelé cependant à un merveilleux développement. J’ai déjà eu l’occasion de faire connaître ici les origines, les principes et les forces du parti catholique belge[1]. C’était dès 1830 un grand parti ayant ses racines les plus lointaines et les plus pro-

  1. Voyez les Partis politiques en Belgique, dans la Revue du l’’ août 18Ci.