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I.

La Belgique avant la révolution n’avait qu’une seule université, celle de Louvain. Fondée en 1426 par Jean IV, duc de Brabant, avec l’approbation du pape Martin V, elle avait une renommée européenne. Elle était riche, jouissant du revenu de legs et de fondations considérables. C’était en réalité un établissement de l’état, car à différentes reprises le gouvernement en avait modifié l’organisation et les règlemens. Les professeurs, au nombre de vingt-huit, étaient nommés, les uns par le souverain, d’autres par l’autorité communale de Louvain, d’autres encore par les facultés. Lors de la conquête française, l’antique université fut supprimée. Sous la république, les villes s’efforcèrent de maintenir quelques établissemens d’enseignement supérieur. Une école de médecine fut établie à Anvers, et une école de droit à Bruxelles.

Quand l’empire organisa l’Université de France, l’on aurait pu espérer que la Belgique allait être mieux dotée; mais il n’en fut rien. On ne peut se figurer à quel point l’intérêt scientifique fut mis en oubli. Bruxelles conserva son école de droit avec cinq professeurs et deux répétiteurs; mais il n’y eut pas pour toute la Belgique une seule institution où les jeunes gens qui se destinaient à la pratique de la médecine pussent faire des études complètes. Il n’existait que des écoles primaires médicales, organisées exclusivement pour l’instruction des sages-femmes et des officiers de santé. Dans ce détail se révèle tout l’esprit du régime impérial : ce qui importait, c’était d’aider les mères à mettre au monde des enfans, et de guérir leurs blessures quand ils seraient devenus soldats.

Après 1815, Guillaume d’Orange agit dans un esprit complètement opposé; il s’efforça par tous les moyens de répandre l’instruction à tous les degrés : il en comprenait l’urgence. La Belgique, après sa lamentable défaite du XVIe siècle, avait été écrasée sous le joug théocratique, comme l’Espagne et l’Autriche, à qui elle avait successivement appartenu. La France impériale lui avait pris beaucoup d’hommes et beaucoup d’argent, mais ne lui avait apporté aucune lumière en échange. Voilà comment il put se faire que l’assemblée des notables rejeta la constitution proposée par le roi Guillaume, uniquement parce qu’elle proclamait la liberté des cultes, cette « peste » que le clergé condamnait déjà, conformément aux décrets infaillibles des conciles et des papes; mais Guillaume fit ce qu’avait fait autrefois la réforme en Allemagne et dans les Pays-Bas : il fonda des universités, trois au lieu d’une, celles de Louvain, de Gand et de Liège. Il n’hésita pas à demander des professeurs au pays qui était alors le foyer des fortes études : à l’Allemagne. Ses tentatives