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habituelle, on pourrait croire que la grande occupation du Bavarois est d’exister et de se sentir exister. Pourquoi ne jouirait-il pas de la vie ? Il n’a pas à se plaindre de son lot dans ce monde. Toutefois sous ce flegme couvent des passions mal endormies et de véritables fougues politiques, Il y a dans le Bavarois le plus placide un électeur primaire qui a la tête près du bonnet, et ses longues tranquillités sont interrompues par des fièvres électorales à tout consumer. Heureusement il n’y a pas d’inquiétude à avoir pour la maison ; elle est bâtie à chaux et à sable. Au demeurant, dans les pays libres, les agitations de la vie publique ne sont pas un mal ; elles sont tout au plus l’un des inconvéniens nécessaires de la liberté. Ceux qui les maudissent ou qui les redoutent doivent se chercher un maître et le charger de vouloir pour eux. Il n’est pour la Bavière qu’un danger sérieux ; ses hommes d’état doivent veiller à ce que la lutte des partis ne dégénère pas en une lutte de classes, et la question politique en une question sociale. La bourgeoisie bavaroise est trop nombreuse, trop influente, et ses idées sont trop d’accord avec celles du siècle pour qu’elle ne les impose pas à son gouvernement ; mais il doit tenir grand compte des instincts et des préventions populaires. Joseph de Maistre disait qu’il ne suffit pas d’aimer son prochain comme soi-même, qu’il faut l’aimer comme il désire qu’on l’aime : grande maxime à l’usage des gouvernans. Il ne suffit pas de bien gouverner les peuples, il faut leur faire aimer leur gouvernement et les apprivoiser avec la raison en l’accommodant à leurs goûts Pour que le progrès devienne populaire en Bavière, il faut que le progrès se fasse bavarois. En un mot, la Bavière est peut-être le pays ou le doctrinarisme bourgeois offre le plus de danger, où la politique de transaction et de bon sens pratique est le plus nécessaire.

Le prince Hohenlohe, qui entra, dans les affaires le 31 décembre 1866 fut condamné par la nécessité à un début malheureux ; il dut proposer aux chambres cette réforme militaire à laquelle le Bavarois a peine à s’accoutumer. — Cela explique en quelque mesure l’écho auront pu trouver dans le pays les accusations passionnées auxquelles sa politique est en butte, bien qu’envisagée en elle-même, cette politique, dont il n’a jamais dévié, soit celle que conseillaient les circonstances à un esprit réfléchi, à une intelligence élevée. Se posant en modérateur des partis, réprouvant également les impatiences de la gauche progressiste et les inquiétudes exagérées de l’extrême droite patriote, le prince Hohenlohe a toujours déclaré d’une part que l’indépendance de la Bavière serait le premier intérêt de son gouvernement, et qu’il ne conseillerait jamais à son pays de solliciter son entrée dans la confédération du nord, dont les institutions lui semblaient inconciliables avec les droits de souveraineté des états.