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sans dommage, mais en évitant du moins le danger de s’obstiner dans une entreprise impossible. Depuis ce temps, on aurait dit que le Mexique avait cessé d’exister pour nous, qu’il avait disparu comme une île engloutie dans quelque océan lointain. Le Mexique existe cependant ; la preuve, c’est qu’il retombe plus que jamais dans ses révolutions habituelles. Le président Juarez est toujours à Mexico sans doute, il est même dictateur ; il inflige sommairement des amendes aux journaux, il fait la presse dans les rues pour avoir des soldats. Tous ces moyens sont en définitive la preuve de l’extension et de la gravité de la révolution actuelle. L’insurrection a éclaté en effet un peu partout, à San-Luis, dans le nord, à Zacatecas, à Queretaro, à Jalisco, même à Puebla, sur la route de la Vera-Cruz. Le gouvernement de Mexico semble cerné de toutes parts. Les autorités des provinces se joignent aux insurgés, les généraux se prononcent avec leurs soldats, et, par un étrange retour des choses, un des chefs insurgés a même déjà rendu un décret condamnant Juarez et ses ministres à être passés par les armes. Il pourrait bien en être ainsi, à moins que ce ne soit Juarez qui fasse fusiller le chef insurgé. Certes c’était une singulière illusion de croire que nous n’avions qu’à paraître pour guérir le Mexique du mal des révolutions, et c’était une illusion plus bizarre encore de se figurer que nous n’avions qu’à nous en aller pour laisser la république mexicaine en paix. On le voit aujourd’hui, à peine remis d’une invasion, le Mexique est occupé à se déchirer lui-même, et le chef d’une guerre d’indépendance est décrété de mort comme un malfaiteur dont on met la tête à prix ; mais cette fois heureusement la France n’a rien à y voir, elle n’a tout au plus qu’à effacer les traces de ce passé pour reprendre la place de simple protectrice de ses intérêts nationaux dans un pays où les révolutions du lendemain font oublier les révolutions de la veille. ch. de mazade.


REPRISE DE DALILA.

Le vieux musicien Sertorius et sa fille Marthe vivent heureux au bord du golfe de Naples, lorsqu’un soir, après le repas, le maestro, en parcourant un journal, apprend que son élève chéri, André Roswein, débute le soir même au théâtre Saint-Charles par un opéra en trois actes dont il a composé les paroles et la musique. Et cependant André Rosvwein n’a rien annoncé à son vieux maître, à celui qui l’a traité en fils, qui a « fécondé son génie au feu le plus ardent de son âme. » Sertorius, sourd aux douces remontrances de sa fille, s’indigne, tempête, maudit la légèreté des artistes en général et l’ingratitude de son élève en particulier, lorsque « l’Angélus sonne aux Camaldules, » et André Roswein, entrant tout à coup, se jette dans les bras du vieux composi-