Où donc la politique n’est-elle pas aujourd’hui ? La politique, elle est un peu partout ; elle est dans ce triste procès de Tours comme elle est au Creuzot avec cette recrudescence d’agitation ouvrière qui vient d’éclater, elle est à Rome avec le concile aussi bien qu’à Paris, elle est au sénat, au corps législatif et même à l’Académie, Dans cette renaissance du moment, l’Académie sent le besoin de ne pas rester immobile et silencieuse ; elle est tout occupée de recevoir ses derniers élus, de préparer des nominations nouvelles pour remplacer ceux de ses membres que la mort vient d’enlever. L’Académie, elle aussi, veut marcher, et récemment, pour se mettre au ton du jour, elle a décidé que désormais elle discuterait dans la liberté de ses séances les titres des candidats qui se présentent à ses suffrages. Qui donc sera élu aux prochaines assises académiques ? Quels sont dans les lettres les privilégiés qui seront appelés à occuper les cinq fauteuils laissés vides par la mort de M. de Lamartine, de M. Sainte-Beuve, de M. de Pongerville, de M. le duc de Broglie, de M. de Montalembert ? Déjà la bataille est engagée, à ce qu’il paraît ; les avenues du scrutin sont bien gardées, le génie des combinaisons est à l’œuvre, et c’est ici que la politique reprend son rôle. On dit, — que ne dit-on pas en temps d’élections ? — on assure que l’Académie est en travail d’une candidature imprévue, merveilleuse, conquérante, la candidature de M. le garde des sceaux en personne ! Par la même occasion, afin de faire quelque chose pour la littérature, on donnerait un fauteuil à un écrivain qui n’a jamais visé au ministère, et M. Émile Ollivier serait appelé d’une voix unanime à recueillir l’héritage de M. de Lamartine. Le mot a été dit, ce serait le Lamartine pratique. Ainsi marcheraient les deux élections les plus prochaines ; mais n’est-ce pas un bruit que font courir les esprits malicieux qui se plaisent à surprendre l’Académie dans ses faiblesses et les flatteurs qui ne demandent pas mieux que de brûler un peu d’encens devant la jeune fortune d’un ministre ?
À quel propos l’Académie se hâterait-elle aujourd’hui de nommer M. le garde des sceaux ? Est-ce pour son talent, pour son éloquence ? M. Émile Ollivier avait tout autant d’éloquence, tout autant de talent il y a quelques années, et l’Académie n’a pas songé à le choisir, quoiqu’il eût alors un mérite de plus, celui de soutenir avec une persévérante fermeté un combat dont il ne connaissait pas l’issue. Est-ce le succès ou le pouvoir qui le désignerait aux dignités académiques ? Dans tout cela, l’Académie aurait un peu trop l’air d’avoir fait une pénitence de vingt ans et de se montrer tout à coup impatiente de se réconcilier, de rentrer en grâce. Et pour xM. le garde des sceaux lui-même cette candidature soudaine, inattendue, ne serait pas beaucoup mieux imaginée. M. Émile Ollivier est assurément un homme de talent, de courage, d’un esprit élevé, et la meilleure preuve, c’est que jusqu’ici il a grandi à ce poste d’honneur et de péril qu’il a conquis patiemment. Académicien,