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qu’au surplus le principal était fait, qu’il ne valait guère la peine de se débattre pour conserver un semblant d’indépendance. M. Dalwigk repoussa énergiquement cette motion ; il s’efforça de démontrer que les inconvéniens de la situation n’étaient pas aussi grands qu’on se plaisait à le dire ; il allégua aussi le traité de Prague, et que l’Autriche, consultée par lui, avait déclaré qu’elle prenait au sérieux l’article 4 et la frontière du Mein. En dépit de son éloquente plaidoirie, la proposition fut votée par 32 voix contre 15 ; mais le gouvernement avait pour lui la chambre haute, qui la rejeta tout d’une voix, après une discussion vive où la politique prussienne fut traitée sans ménagement. L’un des orateurs déclara que, si jamais il était forcé de voter pour l’accession, il attendrait qu’un jour plus heureux vînt à luire pour l’Allemagne, et qu’il voterait alors des deux mains la dissolution du Nordbund. La même proposition a été remise plus récemment sur le tapis sans plus de succès, et jusqu’à ce jour le grand-duché a maintenu obstinément le statu quo. Les Hessois n’ont pas encore rempli la mission que leur assignait Berlin, ils ne se sont pas faits « les pionniers de l’unité. » Les nationaux prussiens s’en prennent à M. Dalwigk, à son savoir-faire, à ce qu’ils appellent ses intrigues ; en vérité ne se sont-ils pas appliqués à lui rendre sa tâche plus facile ?

La Bavière, qui traverse en ce moment une crise parlementaire et ministérielle dont l’Europe s’occupe, est, par l’étendue de son territoire, le plus important des états du sud. Il y a des pays qui sont en quelque sorte embarrassés de leur taille. Trop grands pour accepter des dépendances humiliantes et une existence de satellite, pas assez pour dominer les événemens, ils courent le risque d’avoir des prétentions qui excèdent leurs forces ; essuient-ils des catastrophes, se voient-ils condamnés aux abaissemens et aux soumissions, ils ne s’accommodent pas longtemps de leur déchéance, une sourde inquiétude les pousse à recouvrer leur rang par de nouvelles entreprises. L’histoire des derniers siècles nous montre la Bavière tantôt entraînée par les passions religieuses dans l’orbite de l’Autriche et gravitant autour d’elle, tantôt sentant le péril de cette alliance et s’appuyant sur la Prusse pour résister aux menaçantes convoitises des Habsbourg, tantôt liant à deux reprises partie avec la France, dont l’amitié lui fut utile, mais risque de lui devenir fatale, ou bien enfin visant à jouer, dans le sein de la confédération germanique, un rôle proportionné à son importance, s’efforçant de grouper autour d’elle les états secondaires de l’Allemagne et caressant des rêves de triade que les événemens ont jusqu’ici condamnés. Dans les diverses péripéties de cette politique oscillante, qui essayait de tout, la Bavière, a connu les extrémités des choses humaines. Maximilien-Emmanuel, pour avoir épousé la cause de la