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Le laurier, la rose trémière,
Qui fleurissent autour du puits,
Se redressent vers la lumière
En distillant les pleurs des nuits,
Et le jardin fait sa prière.

C’est l’heure où, bénissant le jour
Dont sa paupière se colore,
Fra Beato sent le retour
Des paradis avec l’aurore.

Et voici qu’un long trait de feu.
Violet, jaune, rouge et bleu.
Par la grille de la cellule
Vient nacrer la pâleur du mur.
Comme une vive libellule
Qui se pose sur un lis pur.

Et le moine, ouvrant les prunelles.
Avec ce rayon pour pinceau.
Fait les anges brillans et frêles
Qui forment de leurs fines ailes
Sur la Vierge un splendide arceau.

Florence, octobre 1866.


LE JOUR ET LA NUIT.

SAN-LORENZO.


Au-dessus du tombeau trône un guerrier nu-tête
Qui dresse un front de roi sur un buste d’athlète.
Tuniques et manteaux jusqu’aux hanches tombés
Laissent voir la poitrine aux grands muscles bombés,
Virils témoins d’un âge où la force est bien mûre,
Et, sous le beau travail d’une opulente armure.
Les épaules, malgré le fardeau de l’airain.
Gardent l’aplomb tranquille et le contour serein.
Mais, un pied retiré, l’autre en avant du siège.
Toujours prêt à surgir comme un dieu qui protège,
Et sans quitter le sceptre en paix sur ses genoux.
Tournant la tête, il parle à de plus forts que nous.

Plus bas, sur le versant d’une corniche étroite,
Un géant, c’est le Jour, couché, la tête droite
Et de face, le front brutal et soucieux,
Remonte son épaule au niveau de ses yeux.