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de 1866 ont prouvé qu’il n’y avait de populaire chez nous que le roi et l’armée[1]. » Un seul fait suffit souvent pour définir des situions. Le roi Louis de Bavière annonçait dernièrement à ses chambres que son gouvernement leur présenterait un projet de loi sur la réorganisation de la garde nationale, « afin d’assurer pour l’avenir les services méritoires que la bourgeoisie bavaroise a su rendre avec un dévoûment digne de gratitude au maintien de la paix et de l’ordre public. » Une garde nationale en Prusse ! Se trouverait-il un Prussien pour la prendre au sérieux ?

Le tempérament politique des Allemands du midi offre un remarquable mélange de féauté dynastique et de franchise démocratique. La démocratie est une puissance dans des contrées naturellement riches, où la propriété est divisée, où la fortune est plus également répartie que dans le nord, où règnent l’esprit communal et le génie de l’association. Dans le système mixte, auquel sont soumis aujourd’hui les états du sud, les droits très effectifs des parlemens sont restreints par les prérogatives de la couronne ; mais d’autre part ces prérogatives ont pour contre-poids une opinion publique très vigilante, dont le pouvoir a pour garanties des élections libres et une presse libre. Que si cette presse a des griefs à faire valoir, elle exprime ses plaintes, ses mécontentemens, dans un langage souvent acerbe, âpre, véhément, parfois grossier, car, s’il est vrai, comme on l’a dit, que l’exagération est le tort commun des partis sous le régime représentatif, cela s’applique surtout aux pays à tendances démocratiques. Fortement organisés, les partis qui divisent le duché de Baden, la Bavière et le Wurtemberg n’agissent pas seulement par la presse ; l’Angleterre et la Suisse n’ont rien à leur apprendre sur l’usage qu’on peut faire du droit d’association et de réunion. Dans les cas graves, quand une grosse question est pendante, par voie de meetings, de pétitions, d’adresses, ils organisent dans les villes et dans les campagnes une agitation avec laquelle les gouvernemens doivent compter. Si les parlementaires purs peuvent trouver à redire aux institutions de l’Allemagne du sud, ils ne sauraient nier qu’elle ne soit un pays de forte vie politique, ce qui n’étonne pas ceux qui savent qu’elle est un pays de forte vie communale. Partout où la commune est libre, le peuple acquiert à la fois l’habitude et la faculté de faire lui-même ses affaires.

Quelque vigueur de tempérament que déploient les partis politiques du sud, ils sont trop nombreux et trop divisés pour posséder toute la puissance d’action à laquelle ils prétendent. Très forts pour

  1. Deutschland um Neujahr 1870, vom Verfasser der Rundschauen. Berlin 1870. L’auteur de cette brochure, qui a fait grand bruit à Berlin, est l’un des chefs du vieux parti prussien, M. de Gerlach.