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la diplomatie française, qui a soigneusement évité de donner aux Allemands du sud des inquiétudes et des ombrages dont la Prusse eût profité. Assurément la France ne saurait renoncer à s’occuper des affaires d’Allemagne : elle n’est point absente de Munich ; mais elle n’y gêne que ceux qui ont quelque chose à lui cacher. Discrète, conciliante, réservée, quoique attentive, acceptant loyalement les faits accomplis et leurs inévitables conséquences, voyant les choses avec cette élévation d’esprit qui n’a garde de grossir les détails et qui préserve des tracasseries, elle ne permet point cependant qu’on oublie qu’elle est là, que ce qui se passe l’intéresse, et que, si elle respecte tous les droits, elle ne reconnaît à personne celui de la tromper. La révolution pacifique, sinon paisible, qui vient de s’accomplir à Paris a contribué également à diminuer ou à dissiper les défiances de l’Allemagne à l’endroit de la France. L’Europe est convaincue que les institutions parlementaires sont une garantie de paix, un préservatif contre la politique d’aventures, de surprises et de coups de main. — Il y a quelques mois encore, nous écrivait un Allemand, la France semblait vouée à jamais au gouvernement personnel, ce qui était d’autant plus grave qu’il semblait vraiment qu’il n’y eût plus personne. Il nous paraît prouvé aujourd’hui qu’il y avait quelqu’un ; mais il ne nous fait plus peur. S’il réussit dans ce qu’il vient d’entreprendre, il n’aura plus besoin du Rhin, et nous n’aurons plus besoin de la Prusse.

La réforme militaire, qui fut pour les états du sud l’une des conséquences les plus incommodes de la paix de Prague, est encore un de leurs griefs contre la Prusse, bien qu’elle n’en soit qu’indirectement responsable. Tant que subsista l’ancienne confédération germanique, les petits et moyens états, qui vivaient en sûreté sous le double protectorat de la Prusse et de l’Autriche, avaient pu se permettre de diminuer leur armée et d’affecter aux travaux de la paix les économies qu’ils opéraient sur les baïonnettes. Le plus admirable résultat qu’aient jamais produit les viremens budgétaires, c’est Munich. Les églises, les palais, les musées, les chefs-d’œuvre de tout genre qui en font une ville européenne, un lieu de pèlerinage pour les artistes, sont en grande partie la création d’un roi dilettante qui, pour fournir à ses nobles plaisirs, taillait et rognait dans le budget de la guerre. Il lui sera beaucoup pardonné parce qu’il préférait une fresque à une revue. Sadowa et Nikolsbourg imposèrent aux gouvernemens du sud de nouvelles et pressantes nécessités, auxquelles ils ne pouvaient se dispenser de pourvoir. Livrés à eux-mêmes, ils devaient songer à leur sûreté et se rendre assez forts pour être pris au sérieux, pour faire, le cas échéant, respecter de tout le monde la liberté de leurs résolutions. Comme ils avaient prévu par