Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/633

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affaire plus d’empressement que les cabinets. Le grand meeting que le parti démocratique tint à Stuttgart en septembre 1868 démontra que le Südbund n’avait guère d’amis fervens que parmi les Souabes, race généreuse, à la tête et au cœur chauds, qui s’éprend fortement des idées, sans se laisser refroidir par les difficultés. Les délégués des autres états objectaient qu’une confédération du sud était une chimère tant que le grand-duché de Hesse n’avait pas recouvré son entière indépendance et que le royaume de Saxe demeurait incorporé au Nordbund. Le moyen de soustraire Darmstadt et Dresde à la suzeraineté de la Prusse, qui, en les enchaînant à ses destinées, avait prouvé une fois de plus son habileté, la justesse de ses combinaisons, ses longues prévoyances? Les démocrates wurtembergeois répondaient que les commencemens sont tout, que l’exemple est contagieux, que les minorités qui ont la foi gouvernent le monde, qu’opposer à la confédération militaire et centralisée du nord une autre confédération qui consacrerait toutes les libertés, c’était travailler pour l’avenir, ébaucher l’Allemagne nouvelle, empêcher le sud de se donner à Berlin. — L’Allemagne, disaient-ils, ne peut demeurer éternellement dans l’état où elle est, ses tronçons tendent à se rejoindre; un jour Berlin lui imposera à monarchie militaire, ou elle imposera à Berlin la démocratie fédérative. La Prusse déclare et répète qu’il n’y a de possible que ses institutions brevetées par Sadowa; montrons, en faisant autre chose, qu’autre chose est possible; comme le philosophe, prouvons le mouvement en marchant.

Malheureusement pour les démocrates, le cabinet wurtembergeois n’a pas goûté leurs raisons; il considère leur programme comme une utopie dangereuse. M. de Varnbüler sait toujours très bien ce qu’il veut et pourquoi il le veut. Il disait à quelqu’un : « Ceux qui désirent le Südbund me font l’effet de gens qui souhaiteraient un rhumatisme, faute de bien comprendre ce que c’est. » Non-seulement il estime qu’en l’état des choses la confédération du sud est impossible; fût-elle possible, il n’en voudrait pas. Elle compromettrait, selon lui, la cause même qu’elle est destinée à défendre, et son raisonnement peut se résumer ainsi. « Vous voulez opposer une barrière aux empiétemens de la Prusse, répondait-il aux partisans du Südbund. Votre projet pourrait bien aller à contre-fin. Berlin est obligé de traiter aujourd’hui avec plusieurs gouvernemens qui ont tous le sentiment net de leurs intérêts et auxquels il est difficile de faire prendre le change. Qui vous dit que Berlin ne trouverait pas plus commode d’avoir affaire à un directoire dont les désunions pourraient donner prise à ses habiletés? Aussi bien toute confédération demande des sacrifices d’autonomie; les états dont elle se compose subrogent le pouvoir central à quelques-uns de leurs droits