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dans les conventions qui pourraient être conclues avec l’Autriche et la Suisse, les états du sud seraient admis à participer aux négociations ; mais en vain réclama-t-elle une part dans le droit de veto. La Prusse savait tout ce qu’il lui était permis d’oser ; les gouvernemens du midi en étaient réduits à subir ses conditions ou à sortir du Zollverein. Après d’orageux débats, les parlemens bavarois et wurtembergeois ratifièrent le traité douanier comme les traités d’alliance, non sans regret, à leur corps défendant, se disant, avec un moraliste, que c’est une violente maîtresse d’école que la nécessité, ou, pour emprunter le langage de l’un de leurs hommes d’état, « qu’en politique ce qui n’est que mauvais est quelquefois acceptable, et qu’il ne faut rejeter que le pire. »

Le Zollverein n’a pas eu toutes les conséquences politiques qu’on en attendait. Il n’a justifié jusqu’à ce jour ni les inquiétudes du midi, ni les espérances du nord. Les unitaires ne craignaient pas de déclarer que le Zollparlament était une boîte à surprises d’où allait sortir, au grand effarement de l’Europe, l’unité de l’Allemagne, ou, pour parler plus net, la création définitive d’une grande Prusse s’étendant des rivages de la Baltique jusqu’aux frontières de l’Autriche. Il pouvait arriver en effet que le parlement douanier, composé des députés de l’Allemagne entière, résolût, dans un élan d’enthousiasme national, de reculer les limites marquées à sa compétence et de se transformer en assemblée politique. Sur quoi se fussent appuyés les gouvernemens du sud pour réprimer cette insurrection parlementaire du suffrage universel ? Aussi les élections douanières, qui eurent lieu dans les mois de février et de mars 1868, furent-elles envisagées d’avance par tous les partis comme un événement qui déciderait du sort de l’Allemagne. On se demandait avec anxiété ce qui allait sortir de cette urne mystérieuse autour de laquelle toutes les espérances, tous les intérêts, toutes les passions s’étaient donné rendez-vous. Le parti prussien mit tout en œuvre pour gagner cette bataille décisive ; il se flatta pendant quelques jours qu’il tenait la victoire : accoutumé au bonheur, un échec lui semblait impossible. Le résultat ne répondit pas à son attente. Dans le grand-duché de Hesse, il est vrai, les nationaux eurent gain de cause ; à Baden, ils n’obtinrent qu’un demi-succès ; en Bavière, ils essuyèrent une éclatante défaite, et en Wurtemberg leurs dix-sept candidats restèrent sur le carreau.

Les nationaux eurent quelque peine à se résigner. La première session du parlement douanier fut troublée par les efforts qu’ils firent pour arracher à cette assemblée une déclaration conforme à leurs vues, efforts malencontreux qui soulevèrent des orages. Le Bavarois, quand on le provoque, devient âpre et violent ; le Souabe