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d’apprécier les circonstances et de déterminer le casus fœderis[1]. C’est ce qu’ont déclaré tour à tour M. de Varnbüler et le prince Hohenlohe aux parlemens de Bavière et de Wurtemberg. » Quand j’ai dit, s’écriait ce dernier dans la séance du 23 janvier 1867, que la Bavière placerait, en cas de guerre, son armée sous le commandement du roi de Prusse moyennant garantie de sa souveraineté, il s’entend de soi-même que j’ai supposé le cas d’une guerre où l’intégrité de l’Allemagne dans ses limites actuelles, serait menacée de quelque côté que ce soit. » Cela revient à dire que, si la Prusse était jamais appelée à défendre par les armes les intérêts allemands, elle pourrait compter sur le concours actif des états du sud. Que la France étende le bras pour s’emparer du Rhin, l’Allemagne se lèvera, comme un seul homme. Était-il besoin d’un traité pour cela ? Seulement, à Munich comme à Stuttgart, on n’a pas renoncé à distinguer les intérêts allemands des intérêts prussiens, ce qui prouve qu’il y a encore un Mein, et que la confédération du nord n’embrasse pas toute l’Allemagne. Jadis M. de Kaunitz, dans un moment d’humeur contre la France, qui se refusait à suivre le cabinet de Vienne dans son aventure bavaroise et disputait sur le casus fœderis, s’écria : « Il est inutile de faire des traités, si l’explication de leurs engagemens devient arbitraire. » Il faut reconnaître en effet que les traités généraux d’alliance, par lesquels on croit engager l’avenir sont d’une médiocre utilité. L’application qu’on en peut faire dépend toujours de la conformité des vues et des intérêts. On le sait bien à Berlin, et on y doute de l’efficacité de l’instrument de Nikolsbonrg ; mais on y sait aussi qu’il est avantageux de n’avoir pas l’air d’en douter, tout en se disant, avec le prince de Ligne, « qu’on ne peut s’en rapporter qu’à soi, et qu’on n’a des alliés que pour être sûr de n’avoir pas tout à fait des ennemis de plus. »

La Prusse remporta un avantage plus effectif par le renouvellement du Zollverein et par la métamorphose qu’elle lui fit subir. Sur ce terrain, la Prusse était forte ; elle avait pour elle la conspiration secrète ou déclarée des intérêts économiques, plus puissans dans

  1. Les traités d’alliance portent que les contractans, se garantissent réciproquement l’intégrité de leurs territoires respectifs, et s’engagent, en cas de guerre, à mettre à cet effet, zu diesem Zwecke, toutes leurs forces à la disposition les uns des autres. Il en résulte que les états du sud ne se sont engagés que pour le cas d’une guerre qui aurait pour objet de sauvegarder l’intégrité de l’Allemagne, et qu’ils se sont réservé le droit d’examiner si tel cas qui pourrait se présenter est vraiment un casus fœderis. Depuis peu, les feuilles, officielles de Berlin leur contestent ce droit ; elles ne s’en étaient pas avisées jusque ce jour. M. de Varnbüler déclara en 1867, que le cabinet prussien l’avait consulté pour savoir s’il estimait que l’affaire du Luxembourg fût un casus fœderis. M. de Bismarck reconnaissait ainsi implicitement le droit d’examen des états du sud.