Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/581

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1842, je les ai vues de près, j’en puis parler en conscience ; je sais quelle scrupuleuse observation de la loi, quel respect des droits de tous y présidèrent du côté du pouvoir, et je tiens, pour ma part, qu’on n’en trouverait guère d’aussi sincères, d’aussi vraiment exemptes de sérieux abus, soit chez nous depuis 1814, soit même dans les pays les plus libres du monde, l’Angleterre par exemple ou les États-Unis, Si la cause conservatrice venait de remporter un notable avantage, elle le devait d’abord, sans autre sortilège, au surcroît de vigilance, de discipline et d’énergie dont un bon nombre de conservateurs, contrairement à leurs habitudes, avaient fait preuve cette fois; elle le devait surtout au concours éclairé, à l’impulsion intelligente de celui qui par ses fonctions, non moins que par sa foi politique, avait l’incontestable droit d’intervenir dans la lutte, non pour donner l’attache cyniquement officielle à certaines candidatures, mais pour concentrer les efforts du parti de gouvernement et soutenir, dans la mesure discrète d’une juste sympathie et d’une loyauté scrupuleuse, les candidats qui professaient les mêmes principes que lui. Il n’y épargna point sa peine. Je puis dire que pendant trois mois il ne cessa de suivre du regard, d’aider, de stimuler, de réveiller, parfois aussi de tempérer plus de quatre cents candidats dont il savait par cœur, grâce aux ressources de sa mémoire, toutes les situations personnelles, et que sans cesse, avec un à-propos qui les frappait d’étonnement, il éclairait sur leurs oublis, leurs négligences, leurs imprudences, en un mot sur toutes les fautes qui compromettaient leur succès. Ce n’était pas seulement le sentiment du devoir, c’était un certain plaisir de déjouer les trames de tant d’habiles adversaires de toute provenance et de toute couleur, qui lui donnait cette sorte de fièvre de surveillance et d’exhortation. Si le succès le dédommagea de ce luxe de fatigues, sa santé par malheur en souffrit quelque atteinte; mais il avait la conscience d’avoir rendu à sa cause le plus grand des services, de lui avoir donné un gage d’avenir et de sécurité, et peut-être à lui-même une chance de repos.

Cependant, lorsque après la vérification des pouvoirs il fut bien démontré qu’il n’y avait pour l’opposition aucun moyen d’infirmer les résultats de sa défaite, et que cette chambre était bien le produit légitime de la majorité des électeurs, ce fut contre le corps électoral lui-même que les batteries se dressèrent aussitôt. Ces mots : réforme parlementaire, réforme électorale, reprirent tout à coup faveur. Il fallait à tout prix modifier l’instrument dont on avait tant à se plaindre; mais comment réussir? Les voix les plus habiles eurent beau rajeunir, en les prenant cette fois à leur compte, les deux propositions de réforme, ce n’était là dans cette chambre, devant cette majorité compacte, que de simples passes d’armes néces-