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vait pour la liberté et pour les institutions constitutionnelles qu’un amour apparent et tout de circonstance, qui au fond ne comprenait et n’aimait que la force, ne voulait que le triomphe de ses propres idées, sans respect de ceux qui en professaient d’autres; parti violent, impatient, où se confondaient pêle-mêle et des bonapartistes déguisés et des républicains obstinés naïvement fidèles au comité de salut public, les uns comme les autres ennemis-nés de tout gouvernement soucieux des droits de tous, les uns comme les autres s’arrogeant sans raison le titre de libéraux. Qu’entre eux et nous la dissidence fût profonde, qu’elle dût éclater, c’était dans l’ordre; mais par malheur là ne se bornaient point les germes de division qui commençaient à poindre et menaçaient l’avenir. Dans les rangs même des plus sincères amis des institutions libres, un pénible problème divisait les esprits. Les uns, même en dehors de toute question de sentiment et de fidélité chevaleresque, sans affection pour les personnes, sans lien d’aucune sorte avec la maison de Bourbon, par pur amour de la vraie liberté, pensaient que la meilleure chance, le moyen le plus sûr d’en fonder parmi nous le règne était de ne pas rompre avec le droit séculaire de l’ancienne monarchie, qu’il y avait dans ce droit consacré par le temps une base d’autorité que rien ne pouvait suppléer, et sans laquelle tout établissement libéral serait précaire et contesté, qu’il fallait tout au moins user d’égards et de patience, résister sans détruire, atténuer plutôt qu’envenimer la guerre, et surtout ne pas la provoquer; d’autres, non moins sincères dans leur attachement aux institutions libres, mais convaincus que jamais on n’obtiendrait non-seulement du roi Charles X, mais de tout prince régnant par droit héréditaire, la franche reconnaissance et la fidèle observation d’un pacte constitutionnel, soutenaient que c’était perdre son temps que d’en poursuivre la chimère, qu’il fallait prendre son parti, et saisir la première occasion de fabriquer du même coup le pacte tel qu’on l’entendait, et le monarque tel qu’on le souhaitait pour que la foi jurée fût à coup sûr obéie. En un mot, marchant au même but, la monarchie constitutionnelle, on se traçait pour l’atteindre deux routes opposées, l’une franchement légale, l’autre révolutionnaire. Je n’ai pas besoin de dire duquel de ces deux systèmes le Globe était l’organe; quant à l’autre, après s’être habilement produit pendant deux ou trois ans dans des feuilles diverses qui lui ouvraient passagèrement leurs colonnes, il eut à son tour un organe entièrement à lui, et vers les derniers jours de 1829 inaugura le National.

L’esprit du Globe, l’esprit du National, ce n’était pas là seulement un désaccord de circonstance, un accident de polémique éphémère, c’étaient deux façons de voir et de sentir en politique dont les contradictions devaient survivre même à la chute de l’ancienne