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biner avec la marche générale des choses. Ce qui se passe aujourd’hui en Allemagne en est la preuve. En Allemagne, toute la question est de chercher un chemin vers une fusion complète du nord et du sud qui jusqu’ici rencontre autant de résistances intérieures que de difficultés diplomatiques. Il n’est point douteux, quoi qu’on en dise, que l’esprit particulariste garde une certaine force en Bavière, dans le Wurtemberg, dans le grand-duché de Bade lui-même ; il a du moins assez de puissance à Munich pour amener la démission définitive du prince de Hohenlohe, qui vient d’être remplacé comme président du conseil par le comte de Bray. À Bade, si le gouvernement est tout prussien, le peuple l’est beaucoup moins. À Berlin, le parti national-libéral s’inquiète fort peu de ce que pensent les populations badoises et les patriotes bavarois, il veut aller à l’unité par le plus court chemin. Au centre de ces agitations, se tient M. de Bismarck, observant tout d’un air narquois, prétendant bien régler la marche, saluant ironiquement de son casque de cuirassier le traité de Prague, mais regimbant quand on veut le pousser à contre-temps. Au fond, c’est là tout le secret des discussions qui viennent de se produire au parlement de la confédération du nord.

De quoi s’agissait-il donc ? Un des chefs du parti national-libéral, M. Lasker, a saisi l’occasion d’un traité de réciprocité en matière de recours judiciaires signé avec Bade pour demander l’entrée immédiate du grand-duché dans la confédération du nord. M. de Bismarck a jugé qu’on allait un peu vite, il s’est donné un air tout fâché. Est-ce donc qu’il désavoue l’ambition des nationaux-libéraux et qu’il songe à invoquer le respect des traités ? Pas le moins du monde. « Nous sommes tous d’accord, a-t-il dit à peu près dans son langage sarcastique et hautain, nous sommes complètement d’accord sur le but où nous tendons. Vous voulez l’unité entière de l’Allemagne, je la veux autant que vous, le roi la veut aussi, il l’a affirmée dans le discours par lequel il a ouvert ce parlement. Le tout est de choisir l’heure et les moyens. Le gouvernement badois est un bon gouvernement qui fait nos affaires à merveille. Il faut qu’il continue. Englobé dès ce moment dans notre confédération, il ne nous servirait de rien ; tel qu’il est, il nous sert beaucoup mieux ; il contient ces Bavarois et ces Souabes qui sont de mauvais esprits, il est un dissolvant dans l’Allemagne du sud, et il nous aidera à tout prendre d’un seul coup de filet. Laissez-moi donc faire. Vous êtes la politique nationale, dites-vous ; oui, je la connais la politique nationale. C’est elle qui voulait m’empêcher de faire la guerre en 1866, c’est elle qui me refusait mes budgets et mes moyens d’action. Aujourd’hui vous trouvez que je ne vais pas assez vite. Croyez-vous donc que ce ne soit rien d’avoir amené un état où le roi, mon gracieux maître et le vôtre, est le chef militaire de l’Allemagne tout entière, et exerce un pouvoir tel que nul empereur n’en a exercé depuis Barberousse ? » En Allemagne, on trouve