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plus décisive que quelques députés envoyés de Constantine ou d’Oran à un parlement de Paris ? Cela est d’autant plus vrai que cette question de représentation directe n’est pas aussi facile à résoudre qu’on le dirait, qu’elle reste très complexe par suite de la diversité des populations, de la disproportion des races, qui rendent assurément difficile une assimilation complète des provinces africaines à des départemens français. De quelque façon qu’on s’y prenne, il en résultera toujours nécessairement un mélange de régime exceptionnel et de régime de droit commun qui pourrait fort bien compliquer les choses, ou peut-être n’aboutir à rien. Nous ne voyons certes aucune difficulté à ce que des députés africains viennent au corps législatif, si on le veut : le tout est de savoir si cette mesure, qui ressemble plutôt à une satisfaction d’apparat qu’à une garantie de progrès réel, produira le bien qu’on en attend, et si le vrai libéralisme approprié à l’Algérie réside dans ce qu’on propose. Supposez que M. Jules Favre soit nommé député d’Alger, ce qui est bien possible, et qu’il accepte, qu’y a-t-il de changé ? Il n’y a pas même un orateur de plus dans le corps législatif. Supposez que des colons d’Oran et de Constantine élus par leurs concitoyens se réunissent à Alger pour traiter les affaires de la colonie avec le concours d’un pouvoir représentant de la France, il y a là peut-être un libéralisme plus pratique, parce qu’il va plus droit au but. Voilà toute la question.

Le meilleur moyen de fonder la liberté est bien moins d’en mettre les apparences ou les illusions un peu partout que de la faire pénétrer dans la réalité des choses, et c’est là l’œuvre d’un progrès patient, méthodique, allant à pas comptés pour ne plus reculer cette fois, pour ne plus disparaître dans une de ces tempêtes qui s’appellent tour à tour des révolutions et des réactions. De là justement ce qu’il y a de critique dans cette transition où nous sommes engagés. On se trouve placé entre le danger de laisser dissiper ce souffle de confiance et de bonne volonté, qui est une des forces de la situation actuelle, et le danger de tout mettre en branle à la fois pour tenir l’opinion en haleine. Que résultera-t-il de ce travail, qui, par des commissions extra-parlementaires, par les lois présentées au corps législatif ou par des décrets, s’étend à l’organisme entier de la France depuis la constitution jusqu’au mode de nomination du bâtonnier des avocats ? Il y a évidemment une part d’inconnu, et nous voudrions bien croire que cet inconnu ne sera jamais une déception. Pour le moment, on est à l’œuvre sans avancer à pas de géant. La commission pour la liberté de l’enseignement supérieur poursuit son enquête sur l’organisation des universités de Belgique et d’Allemagne. La commission de la décentralisation, avant d’aller plus loin, va buter sur la question de la nomination des maires, qui la fait hésiter, et qui n’était peut-être pas la première qu’on dût aborder. La commission pour l’organisation municipale de la ville de Paris marche en tête, et paraît seule être arrivée à un résultat. Il est vrai que ce résultat n’en