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réussit pas, dit excellemment un historien moderne ; c’est la frivolité affectée d’un pédant-né. » Rien de plus froid, de plus voulu que ces effusions lyriques en l’honneur de la nature, de l’amour, de l’oisiveté, de l’inconstance, qui se prétendent inspirées par « la religiosité. » Ces paradoxes ne sont pas même inventés pour excuser les passions, ils sont le résultat de la réflexion qui a voulu se guinder pour être créatrice, et qui n’arrive qu’à prouver jusqu’à l’évidence sa complète stérilité.


« Oh ! enviable liberté de préjugés ! toi aussi, s’écrie le héros en s’adressant à l’héroïne, rejette-les tous les restes d’une fausse pudeur, comme souvent j’ai semé autour de nous dans une belle anarchie tes ennuyeux vêtemens !… Tous les mystères de la folie féminine et de la joie de l’homme semblaient planer et folâtrer autour de nous… Nous nous embrassions avec autant de volupté que de religion. Je te priais de te laisser aller à la fureur, et je te suppliais d’être insatiable. Et pourtant j’écoutais avec une froide réflexion !… Il suffit d’une seule combinaison audacieuse pour nous élever au-dessus de tous les préjugés de la civilisation et des conventions sociales, et pour nous retrouver d’un coup à l’état d’innocence et dans le sein de la nature… Oh ! oisiveté, tu es l’air vital de l’innocence et de l’enthousiasme ! C’est toi que respirent les bienheureux, et bienheureux est qui te possède et te choie, ô sacré joyau ! fragment unique de la similitude divine qui nous es resté du paradis !… Sous tous les climats, c’est le droit de l’oisiveté qui distingue les grands du vulgaire, et qui est le vrai principe de la noblesse… Les temps sont venus, l’essence intime de la divinité peut être révélée et montrée ; tous les mystères peuvent se dévoiler, et la crainte cessera. Initie-toi, et annonce que la nature seule est digne de respect, et la santé seule aimable ! »


On hésite avant d’oser citer pareilles extravagances, qui pourtant sont moins choquantes encore que certaine « fantaisie dithyrambique sur la plus belle des situations, » que d’autres « aveux d’un maladroit, » que les « années d’apprentissage de la virilité. » Et ces belles théories furent continuées dans des vers aussi lourds de forme que de pensée, car la muse n’avait point souri à Frédéric.


« Jurons-nous gaîment, en nous embrassant, infidélité éternelle ! — Partout où des charmes nous attirent, goûtons-les ! — Et pour exaucer avec sollicitude tous les désirs de notre petite âme, — cherchons des joies légères dans le beau changement ! — Et si le méchant sérieux vient troubler nos jeux, — maudissons la longue et pâle monotonie. — De la sorte, nous vivrons de plus en plus libres, — jusqu’à ce que, divinement légers, nous flottions dans les airs ! »


Il n’y a pas de spectacle plus pénible qu’un pédant qui fait le