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rien aux inconvéniens que l’immixtion du corps législatif dans les affaires de la ville de Paris entraînerait pour lui-même. Si d’ailleurs le principe des catégories pour la représentation de Paris est bon et applicable, pourquoi l’introduire par un moyen détourné ? Pourquoi ne point l’admettre directement, comme nous l’avons proposé ici même[1], et comme on pourrait y arriver à l’aide d’institutions déjà existantes ? Les membres du tribunal de commerce, les conseils des prud’hommes sont nommés à l’élection ; que les électeurs de ces magistrats consulaires choisissent un certain nombre de conseillers municipaux représentant l’élément industriel et commercial. Les avocats, les agréés, les avoués, les notaires élisent leurs chambres de discipline ; que les bâtonniers, les présidens siègent aussi à l’Hôtel de ville, que l’Institut y envoie des savans et des artistes, les cours et tribunaux des magistrats, les facultés, les conseils de l’université et des ponts et chaussées des représentans des lettres et des sciences ; l’on obtiendrait ainsi des mandataires compétens de toutes les fractions de la population de Paris. Quoique l’élection se fît en quelque sorte à deux degrés, ce serait encore l’élection réelle et sérieuse, et l’on pourrait dire que l’administration municipale aurait la liberté pour origine. Enfin nous remarquions, en présentant ce système, que, dans toutes les communes, quand il s’agit de voter des emprunts et des impôts, la loi adjoint aux conseillers municipaux un nombre égal des citoyens les plus imposés. A Paris, cette disposition n’a jamais pu être appliquée ; rien ne paraît plus logique que de revenir sur ce point à la loi commune, et peut-être même de faire de ces notables les plus imposés des conseillers ordinaires.

On ne peut objecter qu’une chose, à ce qu’il semble, au système que nous rappelons sommairement : il blesse nos habitudes, il n’est pas en apparence conforme aux traditions, quoiqu’en réalité il se borne à ériger en loi un usage constant ; il offense notre culte pour l’égalité. On ne se représente pas volontiers, réunis pour une œuvre commune, mais à des titres divers, ces magistrats, ces ingénieurs, ces savans, ces artistes, ces propriétaires, à côté de commerçans, de patrons et sans doute de contre-maîtres d’industries, si ce n’est même d’ouvriers. Les souvenirs des trois ordres aux états-généraux nous importunent, et notre amour de l’uniformité se révolte contre une assemblée ainsi composée. Il n’y a donc pas lieu d’insister sur un mode dont la simplicité n’est pas, à vrai dire, le premier mérite ; mais alors que notre système électoral tout entier peut être l’objet de modifications utiles, qu’il nous soit permis de prendre la nomination des conseillers de la ville de Paris comme un exemple des réformes qu’il serait le plus désirable d’opérer.

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1863, — Paris, ses finances, ses travaux publics, depuis le commencement du siècle.