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d’esprit où se trouve le corps électoral de Paris, la solution la moins heureuse serait celle qui remettrait au suffrage universel et direct, s’exerçant dans les conditions actuelles de domicile requises pour le droit à l’élection des députés, la nomination des membres du conseil municipal. Si le respect des minorités est chose désirable, si la tyrannie du nombre doit être évitée, on ne pourrait voir l’oubli du droit des minorités plus complet, et la prépotence du nombre plus brutale que dans l’application, à Paris, d’un pareil système. Personne ne niera que le suffrage universel, tel que la loi électorale le constitue, introduirait un seul élément de la population au conseil municipal et dans des vues bien éloignées des intérêts communaux. On s’est plu, depuis que nous faisons l’expérience du vote universel, à remarquer l’intelligence avec laquelle les suffrages différaient de nature et de caractère, selon qu’ils s’appliquaient à des élections de députés, de conseillers-généraux ou de conseillers municipaux. Tel candidat qui se présentait avec succès pour obtenir l’un de ces mandats n’était pas choisi par les : mêmes électeurs pour en obtenir un autre. On a donc argué de cette aptitude du suffrage universel pour appliquer les mêmes conditions d’électorat dans toutes les élections générales ou locales. Cependant il n’y a pas d’illusion à se faire. Paris n’est ni Londres, ni Washington, ni New-York ; le conseil municipal serait élu surtout au point de vue politique, et un conseil de quarante, soixante ou quatre-vingts membres prétendrait bien certainement, comme représentant direct de la capitale, exercer une influence décisive sur les destinées du pays. Pour éviter un mal, on serait tombé dans un pire, et la commune révolutionnaire ferait à coup sûr regretter la commission impériale.

Les inconvéniens de l’investiture gouvernementale et de l’élection directe étant notoires, vaut-il mieux confier la nomination du conseil municipal de Paris au corps législatif, déjà investi du vote du budget extraordinaire de la ville ? Les objections à ce système sont « nombreuses et paraissent concluantes. Le principe sur lequel il se fonde est encore l’axiome prétendu que Paris n’appartient pas aux Parisiens ; par contre, il viole la loi universellement reconnue que c’est aux vrais représentans des contribuables à voter l’impôt. Que la capitale de la France renferme beaucoup d’étrangers, un grand nombre de provinciaux, une foule d’ouvriers de passage, soit. Encore est-il impossible de soutenir que les propriétaires qui paient l’impôt foncier, les marchands qui paient l’impôt des patentes, les locataires qui acquittent l’impôt personnel et mobilier, seraient vraiment représentés par les députés des départemens. L’état a pu logiquement être investi, sous un régime autoritaire, du droit de nommer des conseillers locaux devenus en quelque sorte des