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enfin du boulevard Saint-Marcel. Il décrète en outre l’ouverture des grandes rues du Château-d’Eau, de Rouen, de Rome, de Lafayette et de Médicis. Après avoir ainsi élargi les communications au centre, après avoir assaini les quartiers extrêmes, à la barrière du Trône, à la rue Mouffetard et à Chaillot, on décide de transformer le parc de Monceaux, les bois de Boulogne et de Vincennes. Il ne s’agissait pas encore de créer les parcs des buttes Chaumont et de Montsouris, de niveler le Trocadéro et de percer le Luxembourg. La dépense totale de ces deux réseaux, dont l’exécution aurait satisfait une moins haute ambition que celle de M. Haussmann, donne un total de 682 millions, dont 272 pour le premier et 410 pour le second. La part de l’état dans ce chiffre ramène la dépense de la ville à 588 millions.

Le troisième réseau, c’est-à-dire l’ensemble des travaux faits sans subvention, et que nous qualifierions volontiers de réseau du nouvel Opéra, parce que c’est la construction inutile de ce monument qui en est l’œuvre principale, le troisième réseau comprend, sur la rive droite, les rues Halévy, Auber, du cardinal Fesch, du Dix-Décembre, le boulevard Haussmann, l’avenue Napoléon, etc., et, sur la rive gauche, le boulevard Saint-Germain, les rues de Rennes, Gay-Lussac, Bonaparte, Solférino, Monge, des Feuillantines, etc. Il absorbe à lui seul la différence qui existe entre 682 millions, prix des deux premiers réseaux, et 1,297 millions, chiffre auquel s’élève la dépense totale des trois réseaux. Il est vrai que cette somme de 1,297 millions est ramenée, par la déduction des subventions de l’état, du prix des terrains revendus et des matériaux, au total définitif de 933,474,720 francs 32 centimes, d’où il serait peut-être juste de retrancher encore 62 millions représentant la valeur des terrains qui restent à la ville.

Dans cette énorme dépense, que peut-on critiquer ? En principe, tout ce qui n’a pas reçu l’approbation législative avant d’être payé par un emprunt plus ou moins déguisé, c’est-à-dire tout le troisième réseau, et ce qui, même dans l’achèvement du deuxième réseau, objet du traité des 180 millions, a dépassé si notablement ce chiffre ; — en fait, tout ce qui n’a qu’un caractère somptuaire et n’émane que de la pensée de faire grand. Lorsque tant de boulevards ont été ouverts dans des localités où la circulation était déjà suffisamment aisée, lorsqu’on s’est avisé de niveler des montagnes et d’approprier des quartiers vides d’habitans à des constructions qui tardent à s’élever, n’a-t-on pas été entraîné à des dépenses inopportunes, improductives, qui devaient être laissées aux générations futures ? Vainement on prétend qu’à reculer ces travaux, ils coûteraient un jour plus cher par l’effet de la plus-value de toutes choses. Ce raisonnement est dangereux. Peut-on prévoir les besoins