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a fait baisser la proportion de nos pertes au chiffre encore trop élevé de 30 pour 100 pour les années 1865-1868[1] ; mais que pouvons-nous dire des chiffres désastreux publiés par le gouvernement à la suite de l’enquête de 1860, lorsque nous voyons la mortalité des enfans assistés s’élever dans l’Indre-et-Loire à 62 pour 100, dans la Côte-d’Or à 66, dans Seine-et-Oise à 69, dans l’Aube à 70, dans l’Eure et le Calvados à 78, dans la Seine-Inférieure à 87, enfin dans la Loire-Inférieure à 90 pour 100 ? Laisser mourir 9 enfans sur 10 avant qu’ils aient atteint leur première année, c’est arriver par la mort à la suppression des enfans trouvés ; ce serait presque justifier cette inscription qu’un de nos hygiénistes proposait, au commencement de ce siècle, de graver sur la porte de l’hospice des enfans trouvés : « ici on tue les enfans aux frais de l’état. » Bien des causes concourent à amener ces tristes résultats ; nous ne les examinerons pas. La question des enfans trouvés mérite d’être traitée à part, et nous espérons pouvoir quelque jour mettre en lumière les funestes effets de la suppression des tours et démontrer la nécessité de les rétablir. L’influence considérable qu’exerce sur la santé l’air plus ou moins pur du pays qu’on habite semble devoir faire présumer que la mortalité des enfans âgés de moins d’un an, faible dans les villes de province, devra être plus faible encore et à son minimum dans les campagnes, pour s’élever au contraire à Paris. Ce n’est pas toutefois ce qui résulterait de la statistique mortuaire, car la proportion des décès infantiles par rapport aux naissances est à peu près égale dans les villes et dans les campagnes (18 pour 100 dans le premier cas, 17 dans le second), et Paris est plus heureux encore que les campagnes elles-mêmes, A quoi faut-il attribuer ce surprenant résultat ? Les transformations de la capitale, en remplaçant dans les dernière travaux exécutés les jardins particuliers par des boulevards, les arbres par des becs de gaz, auraient-elles rendu Paris plus salubre que le plus favorisé de nos hameaux ?

Non, si le chiffre des morts parmi les enfans de moins d’un an est si peu élevé à Paris par rapport aux naissances, cela tient à ce que tous les enfans nés à Paris sont, sans exception, inscrits comme nouveau-nés sur les registres de l’état civil, tandis que ceux qui, envoyés en nourrice, succombent hors de Paris, figurent comme décèdes non pas sur les registres de la capitale, mais sur ceux du village où habite la nourrice. Ils vont ainsi grossir la mortalité de la population rurale en diminuant celle de Paris, et cette aggravation tout artificielle sera d’autant plus considérable qu’il naîtra dans

  1. 1865 4,887 enfans abandonnés de moins d’un an 1,516 décès
    1866 5,079 — 1,487
    1867 5,396 — 1,573
    1868 5,558 — 1,631