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MALGRÉTOUT

QUATRIÈME PARTIE[1]


Je cédai à la fatigue et ne me réveillai qu’au jour. Je vis le ciel pur, et j’entendis qu’on remuait avec précaution dans le bas de la maison. Je regardai à la fenêtre et vis Abel qui rentrait. Je m’habillai vite et allai le trouver. J’étais véritablement inquiète de lui et de sa blessure. Il me jura que ce n’était rien, qu’après s’être intéressé au travail de la vapeur, il avait trouvé l’hospitalité chez des gens excellens, et qu’il était très bien reposé. Il avait déjà donné des ordres pour notre départ et me priait de fixer l’heure.

Puisqu’il y avait quelque espoir de ne pas ébruiter notre aventure, j’aimais mieux n’arriver à Givet que le soir, afin d’y prendre le chemin de fer sans avoir à entrer à l’hôtel. — En ce cas, reprit-il, il nous faut rester ici jusqu’à trois heures. Est-ce que vous vous y résignerez sans regret ?

— Mon ami, lui dis-je en lui prenant le bras, ne gâtons pas cette belle matinée par le souvenir des folies d’hier. Nous avons été insensés tous les deux, convenez-en ! Vous avez fait le projet de m’enlever, et c’est ma faute, car je vous ai effrayé d’une pure rêverie. Sur la foi de Mme d’Ortosa, qui eût dû m’être suspecte, j’ai voulu supposer que ma sœur vous aimait. Que voulez-vous ? cette bizarre personne que j’ai vue dernièrement m’avait troublé l’esprit, et de

  1. Voyez la Revue du 1er mars.