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ce mépris des habitudes du public, de la prédilection des artistes, des hommes d’étude et de savoir.

Eh bien ! voilà l’exemple qu’on nous oppose quand nous disons : demandez à la chambre un crédit pour ne pas laisser l’Angleterre nous dérober la madone de Pérouse. Il faut en convenir, si la France veut que ses grandes collections d’art soient maintenues à la hauteur des principaux musées d’Europe, presque tous aujourd’hui si largement dotés, tandis que les nôtres végètent sous de misérables allocations, ce n’est pas un supplément de liste civile que ses mandataires devront voter. Rendre plus abondante une source qui se gouverne ainsi, ce ne serait pas féconder le domaine de l’art, ce serait l’exposer aux brusques alternatives de volontés changeantes, plus instables que les saisons. Nous ne voyons qu’un moyen d’assurer à nos collections la splendeur que notre patriotisme ne cesse d’envier pour elles, c’est que le souverain, qui vient de faire en politique de l’abnégation bien entendue et d’accroître ses forces en diminuant ses attributions, pendant qu’il est en train, fasse pour l’esthétique un sacrifice analogue, dont il recueillerait au centuple les fruits. Que la couronne se décharge de ce fardeau des musées ; qu’elle renonce à un droit qui, pour être dignement exercé, lui deviendrait trop onéreux ; que le pays, rentré en possession de ses collections, les entoure de garanties et les développe avec discernement et largesse ; il y aurait là plus qu’un progrès pour nos arts et pour nos artistes, nous y verrions comme un heureux prélude d’un nouvel avenir, d’une transformation intellectuelle du pays. Espérons que ces idées ne sont pas jetées au vent, qu’il en germera quelque chose, et que, pour inaugurer nos espérances et pour nous consoler aussi de ces pauvres terres cuites si méchamment évincées, nous ne tarderons pas à voir la madone de Pérouse passer du salon obscur où elle est en dépôt aux honneurs du salon carré.


L. VITET.


REVUE LITTÉRAIRE.
Les Traqueurs de dot, de MM. Pontmartin et Béchard ; Dentu. — Un fils d’Eve, de M. F. Génissieu ; Hachette. — Le Secret de M. de Boissonnange, de M. E. Deligny ; Madame Obernin, de M. Hector Malot ; Michel Lévy.


On ne compte déjà plus aujourd’hui les formes diverses que le roman a revêtues ; c’est un genre de production littéraire qui semble destiné à se renouveler et à reverdir indéfiniment. Le roman intime surtout ne tarit pas ; les élémens les plus simples et souvent même les plus menus