à reprendre sa place, et où, à défaut d’une activité réglée et féconde, règne un besoin universel de recommencer sans cesse les mêmes luttes, de se battre dans le vide, de se perdre surtout en manifestations retentissantes qui n’éclaircissent rien. On laisse volontiers à la presse le léger ridicule d’avoir une idée par jour, on réserve pour soi le droit de faire une déclaration par jour. La droite s’explique, la gauche s’explique, le gouvernement arrive pour s’expliquer à son tour plus que tout le monde, et en fin de compte, au bout de toutes ces explications, le pays, qui suit ce spectacle avec surprise, en vient à être plus impatient que jamais de démêler la vérité des choses, de savoir où il en est, ce qu’on veut faire et comment on veut le faire. On a failli le savoir le jour où M. le comte Daru, pressé par M. Jules Favre et parlant visiblement pour tous ses collègues, est venu définir avec le bon sens le plus élevé la politique du gouvernement. Ce jour-là, on a éprouvé un véritable soulagement, comme si on sortait d’un brouillard incommode, en entendant cette parole sérieuse, ferme et sincère qui a eu un juste retentissement, et le corps législatif presque tout entier s’est laissé entraîner par ce langage qui n’avait assurément rien d’ambigu, qui attestait tout à la fois l’homogénéité, le libéralisme et la résolution du ministère. On se croyait bien fixé après cela, la dissolution était écartée pour le moment, on avait un gouvernement libéral, et on pouvait marcher. Pas du tout ! Le lendemain, nouvelles perplexités, nouvelle manifestation ministérielle à propos des candidatures officielles. Cette fois c’était M. Émile Ollivier, fort habilement attiré à la tribune par M. Ernest Picard et M. Grévy, et intervenant par une déclaration qui ne contredisait pas sans doute le langage de M. le ministre des affaires étrangères, qui le complétait et le précisait sur un point spécial, si l’on veut, mais qui dans tous les cas avait pour effet immédiat de laisser entrevoir encore une fois la question ministérielle, disparue la veille dans un vote d’enthousiasme. C’était un changement de front sur place. La veille, M. le comte Daru avait rallié le corps législatif tout entier, sauf la fraction la plus extrême de la gauche ; le lendemain, M. Émile Ollivier ralliait la gauche tout entière avec les centres contre la fraction la plus obstinée de la droite, s’attachant furieuse et consternée aux débris de la candidature officielle. Le coup de bascule a été complet. Que M. Émile Ollivier, pour accentuer plus vivement la politique du ministère dans les élections, se soit cru obligé de décliner en fait pour le gouvernement un droit d’intervention qu’il a d’ailleurs admis en principe, et qu’il se soit même laissé entraîner à un engagement de neutralité absolue en toute circonstance, la question n’est pas là pour le moment. Il est bien clair que la révolution qui s’accomplit a ses conséquences dans les procédés électoraux comme dans tout le reste. La question est dans cette confusion sans cesse renaissante qu’on crée au feu des discussions de tous les jours,
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