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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




28 février 1870.

Il n’est rien de tel que d’être au parterre pour bien voir une pièce et pour en apprécier les effets. On est du moins à l’abri des illusions complaisantes de ceux qui, se trouvant dans les coulisses ou même dans les chœurs, ne voient rien et se figurent qu’ils font tout marcher. Hélas ! les choses ne marchent pas aussi nettement et aussi sûrement qu’on le croirait ; elles ont, si l’on veut, une apparence triomphante ; au fond, elles manquent d’une certaine liaison intime, elles vont passablement au hasard. Notre pièce politique et parlementaire avait pourtant bien commencé aux premières heures de cette année. Elle était conduite par des hommes de bonne volonté entrant sur la scène, c’est-à-dire au pouvoir, avec du talent, de la considération et l’amour du bien public. Ces ministres d’un ordre nouveau avaient pour eux le vent qui soufflait, la force d’une situation, et, mieux encore, cette fortune exceptionnelle d’être entre tous les instrumens désignés d’une transformation nécessaire, ardemment désirée. On ne demandait qu’à les suivre et à mettre en eux tout ce qu’il faut de confiance pour assurer le succès d’une si belle entreprise. Rien n’est essentiellement changé sans doute, l’opinion nourrit toujours les mêmes vœux ; ce qu’on pensait il y a deux mois, on n’a pas cessé de le penser, et ce qui a fait la raison d’être du cabinet du 2 janvier est encore sa force dans les circonstances difficiles que traverse la France. Seulement les incidens sont venus, la pièce s’est embrouillée et a pris des allures quelque peu vagabondes ; la confusion s’en mêle, si bien que de ce régime parlementaire si longtemps regretté et enfin renaissant il est à craindre que nous n’ayons jusqu’ici que les faiblesses, les prodigalités de parole et les embarras de l’action dans le ministère, les troubles dans le parlement, les disputes vaines, les coups de théâtre, les questions de cabinet improvisées à tout bout de champ.

Nous vivons en effet dans un moment singulier, où tout a de la peine