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l’économie animale, trouve un abri dans la moule. Couvert d’une carapace dure comme la pierre, armé de pinces puissantes et doué d’une excellente vue, il tombe à l’improviste sur sa proie, et la dévore tranquillement ; la moule reçoit les reliefs. Il lui donne la pâture, elle lui fournit le logement. — Le plus souvent l’association n’est avantageuse que pour l’individu faible, seul d’ailleurs à la rechercher. — De tout petits poissons restent à demeure dans la bouche d’une grosse espèce de silure des côtes du Brésil, habile à pêcher à l’aide de ses barbillons, et là ils saisissent au passage ce qui leur convient. — Un poisson de la Méditerranée d’une forme effilée, le fierasfer, assez mal partagé pour faire la chasse, s’introduit dans l’estomac des holothuries, où il puise à son aise. Les holothuries sont des zoophytes revêtus d’un tégument très coriace, et qui ont la bouche entourée de tentacules rameux. Les Chinois les mangent, surtout l’espèce qu’on appelle le trépang comestible. Beaucoup d’animaux dont les moyens de locomotion sont très imparfaits, principalement des crustacés, s’accrochent à des poissons et recueillent leur subsistance en voyageant. Des espèces d’une organisation inférieure perdent leur entière liberté ; les cirrhipèdes se fixent pour ne plus jamais se détacher, attirant vers leur bouche les corpuscules flottans à l’aide d’appendices convertis en cirres frangées. Les coronules, qui appartiennent à ce groupe, s’attachent sur la peau des baleines, et sont promenées de la sorte dans les eaux, où les êtres microscopiques propres à les nourrir sont en profusion.

Un autre genre d’association est celui des parasites avec les êtres dont ils tirent directement leur subsistance. Parmi ces parasites, il en est d’une organisation si inférieure que le transport de ces animaux chez les individus destinés à les héberger semble dépendre d’un hasard. Les vers intestinaux n’ont pas d’appendices, ils se meuvent dans les plus étroites limites ; l’arrivée de ces vers au lieu où l’existence leur est possible n’est le fait ni de leur instinct, ni de celui de leurs parens. Les êtres savent d’autant mieux lutter contre les chances d’accidens que leur organisation est plus parfaite, que leurs instincts et leur intelligence sont plus développés. Pour les espèces inférieures très exposées aux chances de destruction, le désavantage est compensé par une extrême fécondité. Chez les espèces impuissantes à se protéger, la fécondité devient immense. Les vers intestinaux ne sont mis en situation de vivre que par des circonstances presque fortuites ; leurs œufs sont produits et répandus en nombre incalculable.