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composée intégralement des adhérens les plus passionnés de l’ultramontanisme. Nulle proposition ne peut être faite sans en recevoir l’autorisation, qui doit toujours être confirmée par le saint-père. C’est mettre un bâillon sur les lèvres des représentans de l’église au moment même où on les invite à délibérer sur ses plus grands intérêts. La nomination de cinq autres commissions a été abandonnée au concile. Deux sont insignifiantes : l’une est chargée d’examiner les excuses que font valoir les évêques pour s’absenter de Rome ; l’autre, dite de conciliation, doit juger leurs différends. Celle-ci eût été fort nécessaire au concile de Trente, où deux évêques se prirent par la barbe dans un débat dogmatique. Les autres commissions sont celles de la foi, des missions et de la discipline. Les listes étaient faites d’avance, et la minorité en a été exclue avec un soin scrupuleux. On s’était arrangé d’ailleurs pour que les commissions n’eussent aucune importance. En effet, elles ne sont point chargées de préparer librement les questions soumises au concile ; c’est l’affaire des congrégations romaines. Les décrets ou schemata sont soumis au concile tout entier, et ce n’est qu’en cas de dissentiment grave que les commissions entrent en scène. On comprend combien un tel système rend les surprises faciles. Les cardinaux présidant les séances ont un pouvoir dictatorial, et font tout ce qu’ils peuvent pour renfermer les discussions dans les plus strictes limites. Au reste, toute latitude est laissée au parti ultramontain, toute liberté est refusée au parti contraire. A peine le concile était-il ouvert, que paraissait une décision de la congrégation de l’Index qui frappait le manifeste des opposans et interdisait la lecture de Janus, alors que la ville était inondée des produits de l’officine des jésuites. Il y a plus, l’archevêque de Malines et M. Manning peuvent répandre à profusion leurs attaques contre M. Dupanloup ; la permission d’imprimer est refusée à la réplique. Ainsi l’on accepte le combat, mais à la condition que l’adversaire soit désarmé. Les chaires de Rome retentissent des objurgations et des anathèmes des évêques de Poitiers et de Tulle contre le catholicisme libéral ; celui-ci est condamné au silence le plus absolu dans la ville éternelle. On a toutes les immunités contre lui ; il n’a aucun droit. Défense expresse est faite aux évêques de se réunir par nation et de se concerter, ce qui assure un avantage immense à ceux qui reçoivent leur consigne du Vatican. On dit que pour les débats dogmatiques les mémoires écrits seront substitués aux discours ; mais le plus grand attentat contre la liberté du concile a été la bulle affichée sur les murs de Rome peu de jours après l’ouverture. Cette bulle frappait d’excommunication majeure tous ceux qui n’admettaient pas les doctrines du Syllabus, ou qui contesteraient le moindre bref papal.