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façon. Le prince de Hohenlohe a bien essayé, l’été dernier, d’organiser une entente entre les gouvernemens européens pour exercer une sorte d’action préventive sur les résolutions si graves auxquelles les ultramontains poussent le concile en lui demandant de consacrer le Syllabus et l’infaillibilité pontificale, et de réduire ainsi à néant toutes les conventions avec les gouvernemens de l’Europe moderne. Le chef du cabinet de Munich remarquait avec raison que l’assemblée du Vatican, en entrant dans cette voie, sortait de la sphère religieuse, et menaçait la paix des états ; il a rédigé, pour les facultés théologiques de la Bavière, une sorte de questionnaire sur les changemens politiques qui pourraient résulter de la proclamation du nouveau dogme. Il n’a obtenu que des réponses ambiguës, embarrassées, qui indiquent bien que de graves modifications seraient possibles, mais sans rien préciser. Sa circulaire aux gouvernemens n’a eu aucun résultat. Le général Ménabréa s’est borné à déclarer que le royaume italien repoussait tout ce qui serait contraire à sa constitution. Le ministère français, interpellé au sénat, a répondu qu’il attendrait de connaître les résolutions du concile pour s’alarmer, mais qu’en tout cas il respecterait la liberté de l’église sans renier le droit de l’état. Nous voilà bien loin du gallicanisme des anciens temps ; il est vrai qu’il ne servirait plus à rien, et que, dans une époque de publicité universelle, l’interdiction de la publication des bulles n’aurait aucun sens. Les appels comme d’abus n’empêchent nullement l’épiscopat ultramontain de diriger l’église à son gré. Le gouvernement français, qui ne peut rien chez lui contre l’ultramontanisme, peut beaucoup pour celui-ci à Rome, car c’est la France qui monte la garde autour de Saint-Pierre, et qui rend possible, par sa protection armée, tout ce qui serait décidé et fulminé contre la société que nos soldats représentent.

Si des gouvernemens nous passons aux diverses églises pour suivre le mouvement des esprits religieux à la veille du concile, nous verrons se produire des tendances bien tranchées et même très opposées. Laissant de côté pour le moment Rome et la papauté, recueillons les principales manifestations faites par les deux grands partis qui divisent le catholicisme au moment où ils se préparaient au solennel et décisif rendez-vous du Vatican. Le parti ultramontain s’est tout de suite montré plein d’un arrogant espoir ; il se savait en majorité considérable et de plus en parfaite harmonie avec le saint-siège. L’Orient tout entier, avec ses vicaires apostoliques sortis du collège de la Propagande, lui appartenait. Ces hommes simples et dévoués, sans grande instruction et sans indépendance, ont le culte de la papauté. L’Afrique du sud valait l’Orient à cet égard. Bien que le catholicisme aux États-Unis ait su se plier avec une admirable