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mainte occasion de la mettre à l’épreuve, — est d’une sincérité et d’une bienveillance admirables. Entre Niagara et Elmira, à l’extrémité orientale du lac Érié, se trouve la riche et populeuse cité de Buffalo, dont l’accroissement prodigieux rappelle celui de Chicago : en 1814, elle avait un peu plus d’un millier d’habitans ; il y en a aujourd’hui près de 100,000. Le trajet d’Elmira à New-York dure douze heures. On traverse une contrée pittoresque ; la voie ferrée longe le lit d’un fleuve dont les bords cultivés annoncent l’état florissant du pays. Le chemin de fer est bien entretenu, et les voitures de luxe où, moyennant un faible supplément, nous avons choisi des places, nous fournissent tout le comfort désirable.

Je passai quinze jours à New-York ; ce ne fut qu’une suite à peine interrompue d’excursions, de visites et de fêtes. L’hôtel de la Cinquième-Avenue, où j’étais descendu, est le type de ces immenses caravansérails que, depuis quelques années, nous avons imités en France ; c’est une ville dans la ville, et l’on s’y coudoie avec toute espèce de gens. Le soir, après dîner, on fait quelques tours de promenade dans les galeries et les vastes salons du premier étage. C’est une cohue élégante qui fait songer au foyer de l’Opéra. Beaucoup de femmes, suivant l’usage, viennent là très parées ; toutes sont en toilette. Les hommes, à New-York comme à San-Francisco peu soucieux des exigences de la mode, se montrent dans le négligé du jour. Dans le salon du milieu, il y a un excellent piano sur lequel on exécute en général de mauvaise musique. — Les grandes rues de New-York, Broadway, Cinquième-Avenue, etc., s’étendent, comme quelques-uns de nos boulevards, sur une interminable longueur. Dans les quartiers aristocratiques, elles sont bien entretenues, et les maisons d’habitation sont fort belles ; mais dans d’autres parties de la ville la municipalité n’apporte ni les mêmes soins ni la même surveillance. A Broadway, ainsi que dans le quartier des affaires, l’animation est extrême. Les omnibus sont beaucoup plus nombreux qu’à Paris ; en revanche, il y a moins de voitures de place, ce qui s’explique par le tarif élevé de ce genre de véhicules. Les équipages de maîtres dépassent peut-être en luxe et en élégance ceux de Paris et de Londres ; les chevaux se distinguent également par la beauté de leurs formes, mais ils paraissent moins bien soignés que les nôtres. La foule qui se presse dans les rues est naturellement très mélangée ; cependant ce n’est pas la même foule que celle de Londres et de Paris ; on y voit un plus grand nombre de toilettes opulentes que chez nous, et la misère ne s’y étale pas aussi ouvertement ; pour ma part, je n’ai pas rencontré un seul de ces misérables en haillons sordides comme on en voit tant dans certains quartiers de Londres. Le Parc Central, le bois