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MALGRÉTOUT

TROISIèME PARTIE[1].



A MISTRESS MARY CLYMER.


Malgrétout, mai 1865.

Les événemens inattendus dont je vous ai fait part ces jours-ci à la hâte vous font désirer de connaître tout ce qui les a précédés dans ma vie depuis environ un an. Je vous ai promis, mon amie, qu’à mon premier loisir je reprendrais mon récit où je l’ai laissé et dans la même forme où je l’ai commencé, quelque défectueuse qu’elle puisse être. Nous allons donc revenir à l’époque où je me débattais dans la solitude contre une affection que j’avais résolu d’étouffer. Je me flattais d’y parvenir et de retrouver ce calme de l’âme qui ne revient plus quand l’amour l’a troublé. Au contraire, après vous avoir confié mes chagrins, je me sentis plus agitée.

Je souffrais chaque jour davantage et ne trouvais pas l’épuisement sur lequel j’avais compté ; ma santé revenait avec le repos. N’ayant plus pour les chers enfans absens les sollicitudes de chaque nuit et le souci de m’éveiller aussitôt qu’eux pour ne pas les perdre de vue, je dormais longtemps, et, comme je marchais beaucoup dans nos bois pour remplacer la surveillance de mon père, j’a-

  1. Voyez la Revue du 15 février.