Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/1019

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taires ; il aura du talent, de l’éloquence quand il faudra, cela n’est pas douteux, il ne livrera pas l’honneur des institutions libérales qu’il s’est chargé de réaliser, nous en sommes convaincus. M. Émile Ollivier est aujourd’hui ce qu’il était hier, mais il ne peut pas faire que sa situation n’ait changé jusqu’à un certain point, et s’il en pouvait douter, il n’aurait qu’à bien voir ceux qui se réjouissent et ceux qui s’inquiètent de la rupture du faisceau formé le 2 janvier. Tout est là. Avec les meilleures intentions, M. le garde des sceaux, placé désormais sur un terrain assez glissant, peut se laisser entraîner dans des alliances passablement compromettantes. Avec un talent que nul ne conteste, il a besoin de se surveiller pour ne pas se laisser aller à des inspirations quelquefois par trop mobiles. M, Émile Ollivier va au plébiscite avec une belle audace et une conviction ardente ; il est persuadé, il l’affirmait hier encore, que le vote populaire donnera au gouvernement la force de marcher fermement désormais, u sans aucune espèce de préoccupation, les eux fixés en avant, » dans les voies nouvelles où les contestations passionnées ne l’arrêteront plus. Rien de mieux, M. Émile Ollivier se laisserait aller cependant à une naïve illusion, s’il croyait que ce plébiscite, fût il aussi victorieux qu’il en a l’espérance, va tout trancher. C’est alors au contraire que commencera l’œuvre difficile, parce qu’il s’agira d’appliquer ces institutions libérales que le peuple ratifiera sans nul doute, de régler cette activité ministérielle qui a été jusqu’ici un peu fébrile, de débrouiller cette confusion que les derniers événemens ont laissée un peu partout, et de faire sentir enfin une direction qui s’est trop souvent égarée dans un tourbillon de bonnes résolutions sans résultat.

S’il n’y avait pas maintenant cette unique préoccupation qui efface tout et absorbe tout en France, si nous n’avions pas les émotions d’un scrutin où la liberté, selon le mot de M. le garde des sceaux, se présente comme le seul candidat officiel, ce serait une belle occasion de suivre les destinées de cet autre plébiscite qui se prépare à Rome, qui n’est peut-être pas d’une moindre importance, et qui ne laisse pas, lui aussi, d’exciter d’étranges agitations. C’est le plébiscite conciliaire sur les questions de foi religieuse et sur l’infaillibilité personnelle du pape. Où en est sur tout cela la politique de la France ? Qu’est-il arrivé des communications adressées par notre gouvernement au saint-siège, des réponses du cardinal Antonelli, des représentations et des exposés qui ont été depuis expédiés de Paris à Rome ? Le plus clair, c’est qu’on s’était un peu avancé, qu’on s’était aventuré dans des négociations un peu décousues, après lesquelles il a bien fallu s’arrêter, et peut-être M. le comte Daru se considère-t-il aujourd’hui comme fort heureux de se dégager de ces broussailles où il s’était jeté avec plus de bonne volonté que de réflexion. Les affaires de Rome ont cela de particulier, que le mieux est de ne point y entrer, parce qu’on ne peut plus en sortir. On discute, on échange des dépêches, on reçoit des explications habilement évasives