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la parole de consolation que le christianisme a fait entendre au monde : le salut vient des humbles. Demandez aux enfans, aux femmes, aux pauvres, au peuple. Ces colosses qui prononcent de si mystérieuses paroles d’avenir, est-ce que leur science vient d’eux? Regardez à leurs côtés, regardez à leurs pieds. Un enfant soutient leur livre, un enfant déploie leurs rouleaux fatidiques, un enfant leur chuchote à l’oreille les mots de l’inspiration. Ce rédempteur qu’ils prédisent sur l’assurance que leur en donne un enfant, — en bas, de pauvres gens, patiens ouvriers sous la main de Pieu, sont en train de le former; c’est d’eux que sortira le Fils de l’homme, qui voudra être l’os de leurs os, la chair de leur chair. Le salut naît des humbles, parce qu’ils représentent la foi parfaite, la foi qui ne raisonne pas, la foi semblable à celle des Israélites qui lèvent les yeux vers le serpent d’airain. Tout salut vient d’humilité, toute défaite de superbe, — n’est-ce pas là ce que signifient les deux fresques peintes aux côtés de Jonas, — qui, lui aussi, jeté nu sur le rivage, a échappé à la mort parce qu’il a cru en toute humilité, — le Serpent d’airain, la Punition d’Aman? Il y a mieux encore : non-seulement tout salut, mais toute force vient d’humilité, car ces humbles, loin d’être faibles, seront les instrumens favoris de Dieu; c’est par eux qu’il lui plaira d’exercer ses vengeances. Contre les impies et les orgueilleux, il armera les bras des petits, des enfans et des femmes : voyez, aux côtés de Zacharie en prière, le berger David coupant la tête à Goliath et le tronc d’Holopherne séparé de son chef par le glaive de Judith. Ce rédempteur attendu et nécessaire, les prophètes peuvent bien le prédire; mais ce sont les humbles qui le préparent par leurs mérites, et c’est à cause d’eux qu’il viendra sauver indifféremment bons et mauvais, petits et grands.

Cependant, parmi tous ces prophètes, il en est un qui fait plus que le prédire par sa parole, mais qui le prédit par sa personne même; celui-là, c’est Jonas. Jonas est la figure vivante du Christ futur. Il est rejeté sur le rivage comme le Fils de l’homme, qui n’aura pas où reposer sa tête; il a comme lui connu les affres de la mort, il a traversé les ténèbres du tombeau dans le ventre de la baleine, et le tombeau l’a vomi comme il vomira le rédempteur. Toutefois la signification de ce personnage est double et triple; pour le comprendre, il faut l’opposer à Zacharie, qui lui fait face, à l’autre extrémité de la voûte. Ce rédempteur, deux forces morales l’obtiendront, la foi et la prière. De ces deux forces, la foi est représentée par Jonas, la prière par Zacharie. De même que Jonas est le symbole de la personne du Christ, Zacharie est la figure vivante de son église, ou, pour être plus précis encore, de son vicaire sur la terre, c’est-à-dire du souverain pontife même. Contemplez enfin dans Jonas faible et nu la pensée religieuse à l’origine, à l’état rudi-