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autres sont là pour lui barrer le chemin. Alors il y a une crise, on change deux ou trois ministres ; le général Prim, inamovible président du conseil, arrive devant les certes pour déclarer avec un parfait abandon qu’on est tout près de mettre la main sur un roi, que la volonté du pays se fera, et en réalité c’est une halte nouvelle dans la confusion, ce n’est rien de plus.

Ainsi s’est dénouée encore une fois la crise ministérielle qui a eu lieu récemment à Madrid à la suite de la singulière campagne entreprise pour donner la couronne au duc de Gênes. Les ministres qui s’étaient le plus compromis pour cette candidature s’en sont allés ; le brigadier Topete, qui était sorti il y a quelque temps du ministère justement à cause de la campagne tentée en faveur du duc de Gênes, a repris son portefeuille de la marine, et avec lui est entré au pouvoir, comme ministre de l’intérieur, M. Rivero, l’ancien chef du parti démocratique, qui était récemment encore président de l’assemblée constituante, premier alcade de Madrid, commandant-général des volontaires de la liberté en Espagne. La question est de savoir si c’est une évolution sans conséquence, laissant debout tous les antagonismes, ou si la reconstitution du ministère a quelque autre sens mystérieux. Au premier abord, la rentrée du brigadier Topete au pouvoir a pu laisser soupçonner un retour vers la candidature du duc de Montpensier, Les radicaux de Madrid ont craint visiblement qu’il n’y eût quelque chose de semblable, et aussitôt ils ont présenté aux cortès une motion excluant à perpétuité tous les Bourbons, sans exception, du trône d’Espagne. Un républicain de plus d’imagination que de raison, M. Emilio Castelar, a cru qu’il allait embarrasser beaucoup le général Prim en lui rappelant les trois jamais qu’il avait prononcés il y a quinze mois contre les Bourbons, et en interprétant ces trois jamais dans ce sens que l’un était pour la reine Isabelle, l’autre pour son fils, le prince des Asturies, le troisième pour l’infante Dona Fernanda et son mari. Le général Prim, qui ne se déconcerte pas pour si peu, a répliqué qu’il avait prononcé six jamais au lieu de trois, et que tous les six étaient à l’adresse de la reine et de son fils, Les cortès, à leur tour, se sont empressées de rejeter une motion qui était trop visiblement un coup de tactique pour diviser les partisans de la monarchie. À tout prendre, le duc de Montpensier n’est point sans doute dépourvu de chances, qui s’accroissent naturellement lorsque les chances de ses concurrens diminuent ; seulement il n’est pas plus que les autres à l’abri des variations de tous les jours. Lorsque sa candidature semble avancer d’un côté, elle recule d’un autre côté. Au moment où son défenseur le plus décidé entre au pouvoir, il échoue comme candidat aux cortès dans les élections partielles qui viennent d’avoir lieu, de sorte que les choses restent toujours au même point, le pays se prononçant de plis en plus pour la monarchie sans savoir quel roi on lui don-