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son œuvre. Que voulez-vous ? l’art ne se prête pas facilement à l’adulation. C’est une erreur commune aux gouvernemens d’espérer toujours une impossible exception pour eux. Ces travaux officiels, l’artiste ne les a le plus souvent ni conçus ni portés ; il les a terminés à courte échéance, en un délai déterminé, pour une inauguration promise et fixée d’avance. On est si pressé de jouir ! Sont-ce là de bonnes conditions ? Et puis quand on songe à notre manie d’avoir à perpétuité des monumens tout battans neufs, qu’on rafraîchit des pieds à la tête comme on renouvelle son mobilier après un coup de bourse ; quand on pense que cela sera gratté et regratté comme on l’a fait pour les statues qui gardent les deux issues du pont des Saints-Pères, que tout deviendra maigre et creux, que les rapports seront transposés, que des parties minces il ne restera rien après une certaine période d’années, il est peut-être permis à l’ouvrier de ne point se dépenser en un vain labeur. Nous sommes encore des Vandales, et nous croyons notre administration de beaucoup supérieure à celle de la vieille monarchie, qui faisait écurer ses statues avec du gros sable. Formes accentuées, sobres, presque austères en quelques endroits, heureuse combinaison des profils, fermeté de la main, on croit reconnaître tout cela dans les sculptures du Louvre. Je ne jurerais pas que cela y fût. Ces groupes, là où ils sont placés, restent des plus difficiles à juger, non pas seulement en vertu de la hauteur, mais à cause de la profusion des ornemens qui les entourent. Ce luxe de bas et de hauts-reliefs, de bosses, de trophées, de festons et d’astragales, ne permet point de démêler quelque chose. Du galon partout, point de vide, tout est plein, trop plein ; même on en avait mis davantage, cela débordait. On a supprimé, et sur des colonnes qui ne portent rien, on a dû, idée bizarre, poser des consoles renversées qui semblent attendre l’heure d’un tremblement de terre général pour être retournées et avoir leur raison d’être.

En 1855, sonna pour l’artiste l’heure du triomphe. Il n’avait cependant qu’un bronze exposé dans la division des beaux-arts ; mais qu’importe ? on pouvait l’aller chercher ailleurs sous une autre rubrique. La qualité, la quantité de ses travaux parut manifeste. Un rapport de M. Deveria lui assigna sa vraie place au-dessus de ses concurrens dans l’industrie d’art. La supériorité de ses procédés était signalée. Dans le cours des années qui suivirent, sa fécondité ne se ralentit pas. Il n’était plus seul ou isolé ; il avait des imitateurs : les ouvrages de ses élèves annonçaient qu’il faisait école. On l’a dit, rien ne réussit comme le succès ; il ne pouvait plus échapper désormais aux honneurs qui accompagnent la prospérité. Il était marqué pour reproduire l’image des empereurs français. Dans le