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mais en réservant à l’état la délivrance des grades, et en assurant aux facultés l’indépendance et l’autonomie.

Pour le premier point, le législateur n’aurait qu’à compléter la loi du 15 mars 1850, sans toutefois entrer à sa suite dans le système de restriction qu’elle a mis au droit d’enseigner. Cette loi a eru devoir entourer la liberté qu’elle accordait de certaines précautions destinées à la préserver de ses propres excès. Elle s’est trompée, et les dispositions tutélaires inscrites aux articles 25 et 60 sont demeurées parfaitement illusoires. L’article 25 porte que « tout Français âgé de vingt et un ans accomplis peut exercer dans toute la France la profession d’instituteur primaire, public ou libre, s’il est muni du brevet de capacité. » L’article 60 décide que « tout Français âgé de vingt-cinq ans et n’ayant encouru aucune des incapacités prévues par la loi pourra former un établissement d’enseignement secondaire, s’il est bachelier ou muni du brevet de capacité délivré par un jury d’examen nommé par le ministre. » On sait ce que ces restrictions sont devenues dans la pratique. Destinées en apparence à prévenir l’envahissement de l’enseignement primaire ou secondaire par les personnes qui ne présentaient pas des garanties suffisantes d’âge et d’instruction, elles n’ont été suivies d’aucun effet. Les directeurs des écoles primaires ou secondaires sont bien tenus de se soumettre aux exigences de la loi, mais les maîtres qu’ils emploient ne remplissent aucune des conditions exigées du directeur seul ; à Paris même, sous les yeux de l’administration, un certain nombre de professeurs appartenant à l’enseignement secondaire libre ne sont pas bacheliers. Dans l’ordre de l’enseignement primaire, c’est encore pis : chez les frères des écoles chrétiennes, souvent le directeur seul a le brevet.

Faut-il établir dans l’ordre de l’enseignement supérieur un système de garanties pareilles ? Faut-il exiger de tout directeur d’une école d’enseignement supérieur un diplôme de docteur ou de licencié, comme on exige de ceux qui veulent fonder un établissement primaire ou secondaire le brevet de capacité ou le grade de bachelier ? Nous ne le pensons pas, et pour deux raisons : la première, c’est que si une disposition semblable était inscrite dans la loi, elle demeurerait aussi inutile que les dispositions contenues dans les articles 25 et 60 de la loi de 1850 ; l’autre, c’est qu’elle ne serait pas considérée comme suffisamment libérale par ceux qui voient dans l’enseignement une industrie k exploiter, et dans la liberté d’enseignement une liberté toute matérielle, analogue à celle des théâtres. Avec un tel régime, la garantie de l’état serait vaine, et la liberté qu’il accorderait paraîtrait illusoire. Or rien n’est mauvais en politique comme les restrictions inutiles et les demi-concessions. On sait ce qu’il est advenu des lois sur la presse et les réunions pu-