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Certains esprits ne tiennent aucun compte de cette longue période monarchique qui a précédé nos deux grandes assemblées, et se refusent à voir autre chose que de regrettables nouveautés dans une œuvre où l’expérience des siècles n’apparaît pas avec moins de clarté que les idées et les tendances modernes. On voudrait creuser un abîme entre l’ancien régime et la révolution, et faire croire que nos pères, s’inspirant de la méthode de Descartes, ont tout renversé pour tout édifier à nouveau. Le passé n’abdique pas ainsi, et une société qui meurt lègue toujours à la société qui s’élève sur ses ruines un certain nombre d’idées et de maximes dont elle a vécu et qui survivent à sa chute. Ainsi l’une des maximes fondamentales de notre ancien droit monarchique était que l’instruction publique dépend de l’état. «Ce fut sous l’autorité de l’état, dit M. Villemain, que s’établirent successivement les universités locales. Ce fut cette autorité qui, à diverses époques, en supprima ou en réforma quelques-unes, et qui permettait ou interdisait la fondation de tout collége dépendant d’une université, d’une corporation religieuse ou d’une communauté municipale. » Sans doute l’église avait alors, grâce à sa forte organisation, à son admirable discipline et surtout aux mœurs du temps, une influence prépondérante dans les universités mêmes, et en ce sens l’on a pu dire avec vraisemblance qu’elle possédait la liberté d’enseignement ; les particuliers cependant n’avaient aucune part à ce privilége. L’état consentait bien à s’en dessaisir en faveur de l’église ; mais il eût trouvé fort mauvais que l’on fît de la licentia docendi une liberté de droit commun. On peut même remarquer qu’au fur et à mesure qu’il se dégagea de l’église, sans pourtant se séparer d’elle, l’état vit croître son influence dans le domaine de l’enseignement.

Singulier rapprochement ! le prince qui souffleta la papauté fut aussi le premier qui proclama le droit de la royauté sur l’enseignement ; c’est dans une ordonnance de 1312, signée de Philippe le Bel, que ce droit fut pour la première fois inscrit. Plus tard, les rois donnèrent aux parlemens juridiction sur les universités, et par l’édit de Blois (mai 1579) ils firent une première tentative pour établir ce système d’unité où l’on a voulu voir un effort de la centralisation moderne. Véritable règlement organique pour toutes les universités de France, cet édit maintenait le droit d’autorisation de l’état, ainsi que l’obligation des épreuves et des grades. Il fut confirmé, vingt ans après, en 1598, par l’édit réglementaire de Henri IV sur l’Université de Paris, lequel ne tarda pas à être appliqué dans presque toutes les autres universités.

Indépendamment des droits que la royauté prétendait avoir sur les universités, elle intervenait directement dans la fondation des