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avait pas encore, il n’y eut jamais de négociations entamées, de sorte qu’on n’est pas autorisé à croire que M. Monrad et le cabinet danois auraient prétendu résister à la condition de n’admettre dans la confédération nouvelle aucun élément germanique. Il est vrai aussi que les affaires du Danemark n’étaient pas encore aussi compromises qu’elles le furent bientôt après, quand M. de Bismarck les eut prises directement en main. Au moment où M. Monrad écrivait, on pouvait continuer d’espérer qu’on se servirait, au jour des négociations, des titres que le Danemark avait sur le Holstein. Pourquoi, par exemple, dans le cas où une alliance du nord rendrait nécessaire l’unité dynastique, ne ferait-on pas de ce duché dano-allemand, pour quelque prince déshérité, un apanage servant d’utile dédommagement ? Quelle que soit la valeur de ces explications, il faut bien reconnaître, ce semble, que la lettre de M. Monrad manquait d’à-propos, et qu’elle allait précisément contre la condition expresse, inévitable de toute alliance. À aucun prix, le cabinet de Stockholm n’aurait pu consentir à une confédération dans laquelle seraient entrées des provinces dépendant par un lien quelconque de l’Allemagne ; Suède et Norvège avaient trop bien appris par l’exemple du Danemark ce qu’il en coûtait d’avoir des relations nécessaires avec un voisin trop puissant.

D’ailleurs, sur un point fort délicat, le Danemark avait entièrement répondu aux ouvertures du roi de Suède et de Norvège. Par l’ordre du roi Christian, M. Monrad avait rédigé et envoyé à Stockholm un plan de traité de famille pour régler la succession. Afin de ménager aux deux dynasties les mêmes chances d’avenir, celui des deux rois actuels qui mourrait le premier aurait l’autre pour successeur. À ce dernier succéderait non pas son héritier naturel, mais celui du premier mort, et à celui-ci de même non pas son naturel héritier, mais celui du premier survivant. Ainsi la couronne oscillerait pendant deux générations de l’une à l’autre dynastie, après quoi seulement elle demeurerait à la ligne agnatique de celui qui aurait été le dernier revêtu de la triple royauté. Il peut sembler qu’une combinaison pareille témoigne d’une singulière abnégation de la part des familles intéressées ; mais le fait est là, nous avons sous les yeux la proposition de Charles XV et le texte du projet rédigé au nom de Christian IX par M. Monrad ; nulle raison n’autorise à soupçonner que cette démarche du premier ministre de Danemark ait pu n’être pas entièrement sincère. — Après la lettre du 13 mai, nous ne trouvons plus qu’une missive de M. de Qvanten à M. de Carlssen, grand-veneur du roi de Danemark, très connu par ses sentimens scandinavistes, et qui avait été mêlé comme tel à cette correspondance intime. Il venait d’entrer dans le cabinet danois en