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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


que les semences du christianisme n’avaient pas tellement disparu qu’on ne pût les raviver encore. Plein de cette idée, il entra dans la confiance du roi, et obtint que les os des chrétiens persans martyrisés sous le règne de Sapor lui fussent livrés. Il réunit ainsi une énorme quantité de reliques qu’il transporta dans une église située à douze lieues d’Amyde, du côté du nord, et sur la rivière de Nymphée, limite commune des deux nations. Autour de cette église, comme auteur d’un fort élevé pour la conquête religieuse, des maisons s’agglomérèrent, et il se forma une petite ville qui porta le nom de Martyropolis. Martyropolis choisit pour son évêque le prêtre à qui elle devait sa fondation, et ce prêtre était Marathas.

Ce collègue de Chrysostome, peu digne de ce nom quant au savoir, capable de se laisser égarer, sans mauvaise conscience, dans les subtilités théologiques dont on l’enveloppait au concile du Chêne, possédait en revanche une arme puissante pour la propagande chrétienne, cette foi qui entraîne les cœurs, si elle ne transporte pas les montagnes. La simplicité un peu rustique de son extérieur n’avait rien au reste qui pût choquer ses voisins les Perses. Peu à peu il se fit aimer de la foule, et, comme il se mêlait de médecine, il fut assez heureux pour rendre quelques services au roi Isdégerde dans une maladie ; il parvint même à guérir par ses prières, disait-on, l’héritier royal qu’il prétendait possédé du diable. Cette cure, comme on le pense bien, le mit tout à fait en faveur à la cour. Isdégerde ne put plus se passer de lui, et Maruthas conçut l’espoir qu’un jour ou l’autre le grand-roi embrasserait la religion de la croix. Les mages, de leur côté, ne furent pas sans appréhensions, et, pour couper court à la conversion commencée, ils ourdirent un complot qui devait éclater dans le principal de leurs temples, au milieu du peuple et en présence du souverain. En effet, à l’instant marqué dans la cérémonie où le roi devait s’approcher du feu sacré, une voix sortit de la flamme qui déclara qu’il fallait le chasser comme un impie abandonné aux séductions d’un chrétien. Isdégerde recula effrayé et quitta le temple ; mais Maruthas, soupçonnant quelque imposture, lui conseilla de faire creuser le sol à l’endroit d’où la voix était partie, et on y trouva un caveau communiquant avec des soupiraux habilement distribués. Le roi n’avait plus de doute ; il châtia sévèrement ses mages. Toutefois ses bonnes dispositions en faveur du christianisme avaient plus d’apparence que de réalité, ou du moins elles ne furent pas de longue durée, car l’histoire nous apprend qu’il souilla la fin de son règne par une persécution sanglante, laquelle fut continuée par son fils Vararanne. Les événemens que je viens de résumer en quelques lignes comprennent une période d’environ vingt-cinq ans, qui se termine à