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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.

Elle s’éteignit enfin, au sein de cette existence cachée, pour aller recevoir ailleurs, ajoute son biographe, « la couronne de patience. » Voilà tout ce que nous dit l’histoire ; mais la légende a complété ce qui manquait au récit de sa mort. Elle raconte qu’au moment où l’évêque de Nicomédie l’assistait dans ce dernier combat de la vie, elle le pria de ne point s’occuper de ses funérailles, qu’elle savait, par une révélation du ciel, le lieu où reposeraient ses restes exilés. « Fais placer, lui dit-elle, ma dépouille mortelle dans un cercueil qui sera jeté ensuite à la mer ; Dieu pourvoira à ce que je ne demeure pas sans sépulture. » Une autre version raconte que la sainte elle-même, dans une apparition, donna cet avertissement à l’évêque au moment où elle venait d’expirer. Quoi qu’il en soit, la légende ajoute que, l’évêque obéissant avec docilité à cet ordre d’en haut, le cercueil qui contenait Olympias fut lancé à la mer ; mais les vagues semblèrent s’assouplir sous le précieux fardeau, qui fut porté, de rivage en rivage, jusqu’au Bosphore. Là, un courant l’éloigna de Constantinople, comme si la même aversion qui animait la diaconesse pendant sa vie eût survécu dans son cadavre. Le cercueil, soulevé par les eaux, aborda en un lieu appelé les Brochthes, qui était une pointe de l’Asie-Mineure dans le Bosphore, assez près de Constantinople, mais à l’opposite. Les habitans du lieu, informés par un songe, accoururent au-devant, et, l’ayant retiré des flots, le déposèrent près de l’autel, dans une église de Saint-Thomas construite en cet endroit. La sainte y resta de longues années, opérant, dit-on, beaucoup de miracles, jusqu’à ce qu’en 618 un patriarche de Constantinople, nommé Sergius, fit prendre son corps le samedi saint, 18 d’avril de cette année, et le fit ensevelir dans le couvent fondé par elle deux siècles et demi auparavant. Le schisme avait alors cessé depuis longtemps ; la mémoire de Chrysostome était réhabilitée, son nom rétabli sur les diptyques et sanctifié : Olympias pouvait reposer en paix.

Cette légende, ainsi que la plupart des autres, contient, sous des faits imaginaires, l’impression du sentiment public sur l’amie de Chrysostome et sur leur sainte et indissoluble affection. L’église elle-même le partagea. Leur correspondance ou du moins les lettres de l’ami furent pieusement conservées parmi les monumens ecclésiastiques de l’Orient, comme un double modèle d’édification et d’éloquence épistolaire. Le dévoûment de l’amie à la cause de son père vénéré eut également sa récompense : le nom d’Olympias fut inscrit au catalogue des saintes, comme celui d’un confesseur de la foi orthodoxe, et aussi comme l’exemple de la perfection chrétienne dans les rangs les plus élevés du monde.

Amédée Thierry.