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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.

nion, et que, si au contraire ils se convainquent de la méchanceté des évêques d’Orient, ils essaient de te détourner de toute communication avec ces pervers. Dans l’intention de te démontrer clairement quel est le sentiment des Occidentaux sur l’évêque Jean, je choisis, parmi de nombreuses lettres qui m’ont été adressées à ce sujet, celles des évêques de Rome et d’Aquilée, pour les annexer à cette dépêche. Avant tout, je supplie ta clémence de donner des ordres pour faire assister au synode, même malgré lui, Théophile d’Alexandrie, qu’on prétend l’auteur des calamités qui nous affligent. Puisse, par l’emploi de ces moyens, le concile que nous demandons pourvoir efficacement au rétablissement d’une paix qui convient à nos temps ! »

La première idée fut d’envoyer l’ambassade par terre, à travers les Alpes juliennes et la Macédoine, à Thessalonique d’abord, pour y conférer avec l’évêque Anysius, avant de pousser plus loin et de se présenter devant l’empereur. Déjà même Honorius avait fait délivrer aux légats des brevets de la course publique, lorsqu’on eut des raisons de craindre qu’ils ne fussent inquiétés dans leur marche et peut-être emprisonnés à leur passage par les magistrats orientaux. Cette crainte fit renoncer au voyage par terre. On nolisa un navire pour gagner Thessalonique et Constantinople par mer, puis il fallut attendre la saison favorable à la navigation dans ces parages difficiles, ce qui fit perdre à l’expédition un temps précieux. L’ambassade partit enfin vers la fin de mars ou le commencement d’avril de l’année 406, avant qu’on sût, en Italie, la mort du patriarche intrus Arsace et son remplacement par Atticus. Le navire, suivant ces instructions, descendit l’Adriatique jusqu’au cap Ténare, et, traversant les Cyclades sans encombre, arriva dans les eaux de l’Attique. Il avait à bord, outre les évêques et les clercs composant la légation occidentale, quatre évêques orientaux réfugiés qui avaient obtenu l’autorisation de se joindre à eux : c’étaient Cyriacus, Démétrius, Eulysius et Palladius d’Hellénopolis. Comme l’ambassade longeait le golfe d’Athènes, elle reçut la visite d’un tribun qui lui défendit d’aller plus avant ; cet officier amenait avec lui deux autres navires petits et d’apparence commune, tandis que le vaisseau des ambassadeurs était digne de sa destination et, suivant toute apparence, décoré des insignes de l’empire d’Occident. Les passagers eurent l’ordre de descendre dans les deux esquifs qu’on leur amenait en se divisant en deux parts, et le navire impérial fut conduit triomphalement dans le port d’Athènes par le tribun comme une prise de guerre. Le transbordement fut fait en pleine mer, et avec tant de précipitation que l’on oublia les vivres. L’ambassade, livrée à la conduite de quelques soldats du tribun, cingla directe-