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MALGRÉTOUT


À MON AMI EDMOND PLAUCHUT


Nous avons parcouru ensemble le curieux et charmant pays où nous cherchions à retrouver les traces d’Abel et de miss Owen, modestes héros de la véridique histoire que je te dédie. Nous n’avons trouvé qu’un beau fleuve, des rochers, des fleurs et des arbres. Devons-nous croire que Sarah Owen a précisément voulu dépayser ses lecteurs en donnant cette région pour cadre à son récit ? Il me paraît certain du moins qu’elle l’a vue, car ses descriptions sont assez fidèles.

J’ai fort peu modifié le style contenu et terre à terre de la narratrice, expression logique de son caractère et de sa situation. En publiant cette très simple histoire, je la considère comme une étude qui a son intérêt et porte son enseignement.

Nous n’avons pas trouvé la villa de Malgrétout, mais nous avons vu la montagne qui porte ce nom audacieux, devise de quelque chevalier oublié du moyen âge. Je remercierai l’érudit qui rétablira la légende. Nous nous en sommes passés en explorant ces gorges sauvages des Ardennes et ces délicieuses oasis de la Meuse. Tu me les avais découvertes, cher enfant, et je t’en remercie.

J’ai saisi avec plaisir, pour te dédier mon petit travail, ce jour de Noël, anniversaire de ton naufrage aux îles du Cap-Vert. Quand, il y a dix-neuf ans à pareil jour, tu sombrais avec le Rubens, et qu’attaché à la tâche suprême de tenir le gouvernail pour empêcher le navire de pirouetter, tu voyais se remplir, grâce à toi, les barques de sauvetage condamnées peut-être à s’éloigner sans toi, tu en-