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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


pourtant pas, Olympias, que vous recueilliez tout de ma bouche sans aucun effort de votre part ; je vous laisse le soin de rechercher et de réunir ces divers traits de la protection céleste, en les comparant à nos revers. Ce travail salutaire à l’âme contribuera à dissiper vos ennuis, à fortifier votre foi, et vous y puiserez pour vos douleurs un grand soulagement. »

Tel est le contenu de la première lettre de Chrysostome à sa chère diaconesse, de celle-là du moins que les plus anciens éditeurs ont mise en tête de ce recueil. On voit combien elle renferme d’allusions à la situation même de l’exilé, à son dénûment actuel, à ses souffrances, à la malice de ses ennemis ; on voit aussi comment, rattachant son martyre à un dessein général de Dieu sur l’église, dessein encore inaccessible aux regards, il en accepte d’avance toutes les conséquences, comme un bien, avec foi et courage. Pourquoi alors se décourager quand on souffre moins, et ne pas puiser de la constance dans les paroles de celui qui souffre davantage ? et comment oser se plaindre et se laisser abattre quand le fils de Dieu lui-même n’annonce ici-bas son Évangile qu’à travers les persécutions et les scandales ?

Il paraît que le remède n’eut pas tout l’effet qu’en attendait le médecin, et que les lettres d’Olympias dénotaient toujours un profond affaissement de l’âme. Chrysostome ne se découragea pas, et en écrivit une seconde non moins développée que la première, mais qui touchait à des points différens de sa thèse.

« Je ne vois que trop, lui disait-il, que la douleur et les ennuis exercent sur vous un empire obstiné ; je veux donc vous écrire encore : puisse votre cœur en être plus intimement consolé et votre santé mieux raffermie ! Courage ! je viens de nouveau, et par d’autres moyens, secouer cette cendre de deuil dont vous êtes couverte. La cendre de l’esprit, comme celle de la matière, produit avec une effrayante activité des résultats désastreux : elle trouble d’abord la vue, et finit par la détruire entièrement. Écartons-la donc avec le plus grand soin, afin de voir clair dans ce qui nous environne ; mais, vous aussi, travaillez avec moi, et ne m’épargnez pas votre concours. Les hommes de l’art, dans les maladies du corps, ont beau en déployer toutes les ressources ; si les malades n’agissent pas de leur côté, la médecine reste impuissante : il en est ainsi des maladies de l’âme…

Je voudrais bien agir, me dites-vous, mais je ne puis pas ; le mal est plus fort que moi. Je ne saurais dissiper ces épais nuages qui m’enveloppent malgré tous mes efforts pour les écarter. » Illusion que tout cela, vaine excuse, car je connais l’élévation de vos pensées, la force et la piété de votre âme ; je connais la grandeur de