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c’est la petite propriété et la petite culture, aidées par les travaux de la grande industrie, qui ont frappé nos regards ; sur les collines et dans les vallées, nous avons trouvé le métayage et les industries domestiques ; dans les vastes plaines des maremmes, c’est la présence simultanée et le concours mutuel de la grande industrie et de la grande culture qui forment le trait caractéristique. Quelle a été sur les mœurs et sur l’esprit des populations l’influence de ces diverses organisations du travail et de la propriété ? C’est ce que nous allons maintenant examiner.


II

Toutes les populations des montagnes, à quelque pays qu’elles appartiennent, semblent formées sur un même modèle. Quelles que soient les différences de langage ou de costume, les analogies de climats et de travaux donnent aux mœurs et aux idées des montagnards européens la même empreinte et la même direction. Tous seront sobres, énergiques à l’ouvrage et portés à l’épargne, tous auront le culte de la famille et l’esprit religieux. La petite propriété, qui règne le plus souvent sur ces hauteurs, l’existence de biens communaux considérables, la présence de quelques industries à moteur hydraulique, qui est un fait assez constant dans ces régions, préservent les habitans de la misère sans leur assurer la véritable aisance. La simplicité des habitudes, le respect des traditions, l’égalité des conditions, ce sont là les traits principaux qui composent la physionomie sociale des habitans des montagnes.

Pour trouver le caractère national, il ne faut pas se maintenir sur ces hauteurs, c’est sur les collines et dans les vallées qu’il faut descendre ; c’est là aussi que l’on peut étudier le mieux l’influence sur les mœurs et sur les idées des modes d’organisation du travail. Ce qui frappe dans les populations rurales du centre de la Toscane, c’est l’uniformité des existences et des destinées. Ailleurs, l’on trouve dans les campagnes différentes couches de paysans, les uns riches, d’autres aisés, ceux-ci indigens ; ces catégories semblent inconnues dans la vallée de l’Arno, la classe agricole y est également éloignée de la misère et de la richesse, elle paraît groupée tout entière sur le même échelon d’aisance modeste et laborieuse. C’est en Toscane un phénomène presque inconnu que celui de paysans ayant de la fortune ; tous végètent dans la même condition réduite et dépendante. C’est l’excessif morcellement des cultures et le système du métayage qui en sont cause. Partout où l’on voit régner le métayage, l’on est sûr de rencontrer une population agricole pour ainsi dire stagnante, c’est-à-dire où toutes les parties sont en équilibre et restent à la même place, où il n’y a ni pente ni courant, où rien