Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/420

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est la destinée des œuvres humaines qu’elles ne peuvent se transmettre à travers les générations qu’à la condition d’être toujours surveillées par l’intelligence de l’homme et soutenues par ses mains. Ces murs qui maintiennent la terre sur les coteaux, ces conduits qui amènent les eaux à chaque parcelle du sol, doivent être constamment réparés et consolidés. Bien d’autres épreuves d’ailleurs sont réservées au paysan de la Toscane ; une des moindres n’a pas été la maladie de la vigne. Les vins de Toscane sont les meilleurs d’Italie ; de tout temps, les populations et les gouvernemens ont montré la plus grande sollicitude pour en maintenir ou en accroître la réputation. L’on cite une vieille loi de la ville d’Arezzo qui défend de planter la vigne au fond des vallées, parce qu’elle y donnerait des produits inférieurs et compromettrait la renommée des vins du pays. Les grands-ducs de Florence, pour améliorer les vignobles, firent venir des vignes de France, d’Espagne et des Canaries. Le célèbre gastronome et poète Redi, qui est le Brillat-Savarin de l’Italie, avec beaucoup plus de poésie cependant et de couleur que son rival français, a célébré les vins de Toscane comme les meilleurs du monde entier. Malheureusement la maladie de la vigne a réduit la quantité de ces vins et en a peut-être altéré la qualité ; elle les a renchéris surtout au point que le peuple ne peut plus en boire. L’olivier, qui est l’autre ressource précieuse du pays, a été menacé aussi dans ces dernières années. M. Léonce de Lavergne, dans ses curieuses études sur l’économie rurale de la France, fait remarquer que dans notre Provence l’olivier est en déclin, ce qu’on attribue, à tort ou à raison, à un refroidissement de la température et à la violence des vents du nord, par suite des déboisemens. Les mêmes causes opèrent-elles en Italie ? On le pourrait croire. Dans un travail sur le métayage en Toscane, M. Urbain Peruzzi rapporte que les oliviers ont beaucoup souffert du froid depuis un certain nombre d’années, et qu’une très grande quantité a succombé, à diverses reprises, sous les rigueurs nouvelles de la température. Ainsi, en déboisant les montagnes, on amènerait la perte des arbres fruitiers qui couvrent les collines ou les vallées. Comme compensation à ces maux, le mûrier, qui était peu cultivé jusqu’ici en Toscane, s’y propage de plus en plus, la production de la soie y acquiert de l’importance, les préparations agricoles et industrielles de ce précieux textile assurent à la population travail et salaire.

L’organisation du travail agricole et les contrats agraires méritent spécialement, l’attention. Les petits propriétaires cultivant eux-mêmes leurs terres sont plus rares dans ces riches districts que sur les montagnes, et généralement ils ne passent pas pour heureux. On trouve encore un certain nombre de petits tenanciers occupant les terres en vertu de contrats d’emphytéose (contratti