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(micant), car, pendant le mouvement automatique qu’ils exécutent, les rayons de la lumière éclairent des parties devenues mobiles ; la contraction des muscles détermine une flexion, aussi les doigts serrent-ils le fer (ferrumque retractant).

Comme on peut le voir, Lucrèce et Virgile ont été observateurs fidèles ; les activités élémentaires des parties de notre organisme sont décrites comme si elles avaient reçu la démonstration expérimentale que leur ont donnée la physiologie moderne et la transfusion du sang. A vingt siècles de distance environ, le même fait se résume dans la même expression ; mais combien il a été différemment compris ! Les anciens n’observaient la vie des parties que dans leurs formes extérieures. C’est ainsi qu’un enfant observe le mécanisme d’une montre. Présentez-la-lui, il se contente d’en écouter le tic-tac ; ouvrez-la, il suit de l’œil le mouvement des rouages, il ne va point au-delà de la constatation des phénomènes. Avec le temps, le progrès s’opère, et l’enfant, parvenu à l’âge d’homme et placé en face de la même montre, se demande pourquoi et comment elle marche ; instruit par l’expérience, à force de persévérance et de travail, il démonte et remonte chaque rouage, il se fait une idée précise du rôle de chaque partie, et le mécanisme de l’ensemble lui apparaît enfin avec clarté. Les savans de notre époque ont ainsi étudié la machine humaine ; la vie des parties a été non-seulement observée, mais encore pénétrée dans le secret de son mécanisme. La transfusion du sang, si utile sous ce rapport, n’atteignit jamais au XVIIe siècle une importance vraiment scientifique. Elle apparaît d’abord comme une panacée universelle ; elle aspire à dominer la vie et à triompher de la maladie elle-même. Pures imaginations ! on a vu comment ce rêve s’évanouit. De nos jours, la vraie méthode, la méthode d’observation, est mise en honneur ; les questions de science ne sont plus agitées dans des tournois d’éloquence, elles sont étudiées modestement sur des faits, à l’ombre des laboratoires. La transfusion reparaît, mais non pas avec les prétentions exorbitantes d’autrefois : elle n’aspire plus à donner la vie universelle, indéfinie. Réduite au simple rôle de procédé scientifique, elle dévoile les secrets les plus mystérieux de l’organisation ; elle porte la lumière dans la vie des parties ; elle démontre que chaque élément de l’organisme vit par lui-même, et trouve dans le sang ses conditions d’activité.


GUSTAVE LEMATTRE.