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étranger ne peut s’y acclimater qu’autant que ses conditions d’existence ne sont point profondément modifiées.

Non-seulement le globule sanguin vit individuellement au sein du plasma, mais pour remplir ses fonctions, pour vivifier chaque partie du corps, il doit absorber l’oxygène de l’air, et il prend alors cette belle teinte vermeille qui le caractérise. Le phénomène de cette coloration nouvelle est un acte essentiellement vital, c’est une réaction chimique qui s’opère entre deux corps, l’un solide, l’autre gazeux. Il ne se passe pas autre chose sur la plus vile monnaie de cuivre ; soumise au contact de l’air, elle absorbe un gaz, et bientôt sa surface est le siège d’un produit coloré. Parmi les animaux inférieurs dont le sang renferme du cuivre, chez l’hélice des vignes par exemple, les globules revêtent au contact aérien une coloration bleuâtre. Même phénomène s’observe dans le règne végétal ; l’indigo, blanc dans la plante, exposé à l’air, devient bleu ; beaucoup de matières colorantes sont ainsi formées. Le globule rouge contient du fer, et le travail chimique qui s’effectue en lui n’est peut-être pas sans analogie avec la formation de la rouille. Soumis à l’air atmosphérique, il prend une teinte rutilante, tandis qu’il reste vermeil dans les artères. Au sein des tissus, l’oxygène du globule est dégagé ; une combustion s’effectue avec production de chaleur, mais sans flamme, comme cela a lieu pour l’amadou : le sang devient veineux et noirâtre ; puis, revenu aux vaisseaux du poumon, il va reprendre avec l’air vital sa coloration artérielle.

La quantité de sang renfermée dans l’organisme est importante à connaître au point de vue de l’histoire de la transfusion ; elle a été évaluée d’une manière approximative, et l’on a essayé de la déterminer chez l’homme. Un criminel du nom de Langguht fut décapité à Munich le 7 juillet 1855 ; 5 kilogrammes de sang environ furent recueillis par le professeur Bischoff. Le poids du corps s’élevait à 130 livres ; la proportion était d’un treizième. Ce chiffre a été accepté par beaucoup de physiologistes ; pour quelques-uns cependant il serait trop faible. Rien d’absolu à ce sujet ne peut être établi ; la quantité de sang de notre corps ne varie-t-elle point suivant de nombreuses conditions ? Elle ne demeure pas la même avant et après les repas, pendant la veille ou le sommeil. Chez les animaux hibernans, comme la marmotte ou le lérot, si le poids du corps diminue d’un quart dans la période léthargique, celui du sang subit une réduction considérable. Le même fait s’observe pendant l’abstinence, les globules pâlissent et diminuent de volume. Les maladies amènent un résultat analogue, et rien n’est plus vrai que cette opinion communément répandue, que « les chagrins et les privations consument le sang. » Les notions exactes que nous possédons aujourd’hui sur la nature de ce liquide ont profondément modifié les erremens de